La double transition de l’agriculture urbaine : regard croisé entre propriétaires et agriculteurs

Maarten Roels, Terre-en-vue, Janvier 2020

Loin d’être déjà une pratique courante, l’agriculture urbaine est une activité émergente à Bruxelles. Cette dynamique fait partie d’une transition socio-économique et écologique qui vise une meilleure utilisation des ressources dont notamment la terre nourricière, une production et une consommation locale, un respect pour l’homme et la nature, et une meilleure distribution des richesses. Ce processus de transition est impulsé par une convergence de volontés de changement de différents acteurs innovants tels que des institutions publiques, des citoyens / consommateurs, et des entrepreneurs. Nous aborderons ici le rôle des propriétaires des terres et des agriculteurs dans la transition vers une ville plus résiliente grâce à l’essor de l’agriculture (péri)-urbaine.

Les propriétaires de terres agricoles – quel rôle dans la transition ?

Jusqu’il y a peu, il n’existait pas de politique foncière et agricole pour les terres agricoles de Bruxelles. Le maintien de ces espaces était principalement inspiré par la volonté de garder des espaces ouverts non-bâtis offrant une qualité paysagère dans le tissu urbain, d’avoir des réserves foncières pour des projets de développement de logements, ou encore par l’espoir de voir transformer dans le PRAS, ou dans des PPAS, des zones agricoles en zones résidentielles générant ainsi une plus-value importante.

Jusqu’il y a peu, il n’existait pas de vision politique agricole et alimentaire à Bruxelles encourageant les propriétaires publics et privés à choisir un agriculteur durable plutôt qu’un autre. Il n’y avait donc peu d’éléments encourageant les propriétaires à orienter l’utilisation des terres agricoles dans un sens ou un autre. Il est à noter aussi que la demande croissante pour des produits locaux, frais et issus d’agriculture biologique est un phénomène relativement récent. Précédemment, l’absence d’une telle demande n’encourageait pas les propriétaires à chercher des agriculteurs qui pouvaient répondre à cette demande.

En outre, la Loi sur le Bail à Ferme de 1969 interdit au propriétaire terrien de limiter la liberté de culture choisie par son locataire (cf. Art 24). Donc même si un propriétaire préfère soutenir un agriculteur bio, l’agriculteur titulaire du contrat de bail à ferme garde la liberté de cultiver ce qu’il veut et comme il veut, et souvent cela veut dire comme il a fait depuis des décennies et comme il a appris de ses parents, ses conseillers, et ses professeurs d’agronomie. De plus, en tant que titulaire d’un bail à ferme, il ne peut que recevoir son congé pour faire place à un autre agriculteur selon un nombre de conditions strictes. Sans changement de vision et de volonté des agriculteurs, les propriétaires ont donc peu de marge de manœuvre sur des terres occupées.

Malgré ce contexte historique peu favorable au développement de l’agriculture durable, plusieurs propriétaires de terres cultivables ont désiré installer des projets agro-écologiques sur leurs terres. La Commune d’Anderlecht a mis à disposition des terres (constructibles) au projet « Graine de Paysans », un espace test agricole (ETA) qui a vu le jour grâce au soutien du projet « BoerenBruxselPaysans »  financé par des fonds européens FEDER, ainsi que près de deux hectares à la coopérative Radiskale dont un des initiateurs émerge de l’ETA, SMALA Farming et Hierba Buona. La Commune de Jette a décidé de suivre cette exemple et d’autres communes comme Ganshoren et Uccle s’y préparent. La SCRL Le Logis – Floréal, à Bois-Fort, a permis à la Ferme du Chants des Cailles de voir le jour.

L’ULB, avec le soutien du Facilitateur Agriculture Urbaine et Bruxelles Environnement, prépare une mise à disposition de terres à un projet agroécologique avec un axe social important.

Les agriculteurs de Bruxelles

Depuis les années 1970, les « Boerkozen » ont presque tous disparu de la scène bruxelloise et sa périphérie, alors qu’il en restait encore autour de 2000 il y a 50 ans. Actuellement, plusieurs maraîchers continuent dans la périphérie, mais souvent sans connexion avec Bruxelles. Alors que les « Boerkozen » produisaient essentiellement des légumes pour Bruxelles et sa périphérie, aujourd’hui le paysage agricole Bruxellois est dominé par l’élevage et les grandes cultures (céréales, maïs et pommes de terres), les productions sont vendues en dehors de la ville et partent via la grande distribution. Ce changement a été fortement influencé par la politique agricole commune (PAC) de l’Union Européenne qui visait à augmenter la position de concurrence de l’agriculture en Europe sur le marché mondial en augmentant l’échelle des fermes et en se focalisant sur les productions que nous venons de citer, alors que celles-ci ne sont pas du tout adaptées au marché local de la ville. Les écoles agricoles dirigeaient les agriculteurs dans le même sens et les banques finançaient les investissements nécessaires, sachant qu’ils soutenaient un secteur économique avec peu de risques car subventionné par l’Europe.

Les agriculteurs n’étaient pas non plus encouragés à changer de pratiques car la demande en produits locaux était beaucoup moins importante que celle de la grande distribution. De plus, les agriculteurs n’avaient pas forcément toutes les compétences en terme de communication, logistique etc. que nécessitent un travail en circuit court. Les quelques agriculteurs qui souhaitent changer de pratique étaient souvent cadenassés dans leur mode de produire et de commercialiser par des contrats et des emprunts bancaires.

Ouvertures vers une transition agricole à Bruxelles

Aujourd’hui, plusieurs éléments créent des ouvertures vers une transition agricole à Bruxelles. La déclaration gouvernementale Bruxelloise 2019-2024 est un premier élément d’envergure. Elle identifie l’agriculture comme un axe de l’innovation économique au service de la transition et engage le gouvernement Bruxellois à soutenir le développement de l’agroécologie, ainsi que d’avancer vers l’objectif de créer une autonomie de 30 % de la consommation en fruits et légumes pour 2035. A l’heure actuelle, le bail à ferme est en cours de révision dans le cadre de sa régionalisation. Ceci crée des possibilités d’adapter le cadre juridique à la réalité du terrain. En même temps, une révision du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) est en préparation. Si ces deux révisions légales aboutissent et entrent en convergence avec la déclaration politique, ceci permettra de donner une impulsion claire aux propriétaires, tout en enlevant une série d’obstacles cités ci-dessus.

L’actuelle croissance de la demande de produits locaux, bio et frais ne font qu’encourager les agriculteurs à réorienter leurs pratiques. Des projets « phare » ont vu le jour il y a plusieurs années et prouvent que leurs approches sont viables. La Ferme du Chant des Cailles et Cycle Farm ont vu le jour il y a quelques années, et plus récemment le projet « BoerenBruxselPaysans » a permis à des projets comme RadisKale, Smala Farming, Hierba Buona, Les Garçons Maraichers de s’implanter à Bruxelles. Une transition est possible quand le cadre politique, la demande des citoyens et l’audace des entrepreneurs s’alignent. Plusieurs associations et coopératives se sont dotées des compétences nécessaires en terme de recherche, d’accompagnement, de formation ainsi que de facilitation, permettant à ces différents acteurs de collaborer dans un mouvement de transition.

Mais nous avons vu que certains obstacles sont difficile à contourner. Il s’agit de ce qu’on appelle les lock in. Ce sont des verrous qui ne permettent pas de changer de pratiques. Des situations de (sur)endettement en sont un exemple classique dans le secteur agricole.

Comment les agriculteurs conventionnels engagés dans des emprunts pour le financement de leurs machines et infrastructures et protégés par des baux à fermes peuvent participer à la transition ? Comment trouver des terres cultivables ? Il semble que la transition ne pourra que se faire si une vraie collaboration en terme de transition et transmission se fait entre la nouvelle et « l’ancienne » génération d’agriculteurs. Un travail de collaboration est également à mettre en place ou à approfondir avec les propriétaires afin d’identifier des terres qui se libèrent ou se libéreront prochainement, pour trouver des terres « oubliées » dans les abords des bâtiments et zonings, des infrastructures comme des serres à réaffecter, des parcs à réaménager, etc. Et si cette collaboration entre agriculteurs et propriétaires s’inspire d’une volonté commune de rendre notre ville plus belle et vivante, la transition agroécologique promet de nous émerveiller dans les années qui viennent.

Projets inspirants

Catalyser l’agriculture urbaine : une journée de co-création par et pour les producteurs

Le lundi 9 mars 2020 se sont rassemblées 45 personnes, producteurs pleine terre et hors sol, acteurs de l’accompagnement et de la recherche, lors d’un évènement participatif à l’initiative du Facilitateur Agriculture Urbaine et du projet FEDER BoerenBruxselPaysans.
Des représentants de l’administration et du cabinet du Ministre Alain Maron étaient présents afin de comprendre au mieux les réalités des producteurs et travailler ensemble à chercher des pistes d’action pour le développement de l’agriculture urbaine en Région Bruxelles-Capitale.

Les 3 priorités qui ont été dégagées sont :
– Reconnaître la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine
– Faciliter l’accès à des formations techniques
– Créer et animer un réseau de producteurs

Les conclusions de ces travaux permettront d’alimenter la suite d’une stratégie Good Food adaptée aux besoins du secteur.

Retour sur la journée

Les ateliers facilités le 9 mars par les partenaires du Facilitateur Agriculture Urbaine et du projet FEDER BoerenBruxselPaysans, ont réuni 45 personnes, dont 10 producteurs et productrices pleine terre (Smala farming, Radiskale, 1082 nuances de saveurs, Houblons de Bruxelles, Hierba buena) et 6 producteurs hors sol (Urbileaf, ECNAM, BIGH, et Alaube).

Ci-dessous, nous reprenons quelques éléments des riches échanges qui permettront d’alimenter la suite d’une stratégie Good Food adaptée aux besoins du secteur.

Ateliers ‘Obstacles et solutions’ et ‘Multi-fonctionnalité’

Les échanges menés en groupes de travail ont remis notamment en évidence que l’agriculture urbaine est une activité économique atypique qui est intégré dans différents écosystèmes. D’une part, elle est intégrée dans le tissu social et démontre ainsi une grande porosité vers la société civile. Des citoyens participent en effet à la vie économique de la plupart des initiatives que cela soit en tant
que récolteurs, soutien ponctuel ou participant structurel aux activités de la ferme. D’autre part, elle fait partie de l’économie certes locale, mais néanmoins mondiale car elle offre des produits dont le prix est influencé par le marché mondial.

Ceci pousse les agriculteurs urbains à créer des modèles économiques innovants et se diversifier. La présence des citoyens est identifiée autant comme une ressource que comme un défi qui nécessite des compétences multiples.

Ceci oblige également les producteurs à se former. Le besoin de formations et d’échanges d’expertise et d’expériences semble un besoin pour la plupart des producteurs bruxellois. Plusieurs initiatives sont en route et des dynamiques existent à l’extérieur
de Bruxelles. Il est maintenant question d’avancer avec l’offre de formations et d’apprendre d’autres initiatives de partage de savoir-faire.

Toutefois, les charges que ce défi de formation s’ajoutent aux coûts de production, alors que les revenus sont limités par les prix trop bas des denrées alimentaires.

Les résultats de la première partie de la journée invitent également à court terme à réfléchir à des manières de réduire les coûts de
production-distribution 
par la mise en place de solutions logistiques, de mutualisation d’outils techniques et administratifs, à moyen terme d’une simplification administrative et une adaptation de la réglementation, et à long terme, d’ouvrir le débat sur la particularité de l’agriculture comme activité à la fois économique et citoyenne.

 

Un travail sur la reconnaissance et le soutien à la multi-fonctionnalité de l’AU a déjà été initié, suite au mémorandum initié par une série d’acteurs associatifs et de producteurs, et soutenu par le Début des Haricots.

En 2 mots, la multi-fonctionnalité de l’agriculture urbaine consiste à:

-Renforcer le capital social et humain

-Réduire l’impact sur l’environnement, et améliorer l’adaptation
au changement climatique

Les échanges du 9 mars soulignent l’importance de continuer/accélérer ce travail et d’être innovant sur la manière de financer ces fonctions complémentaires à la production et qui sont essentielles.

Par rapport à la mise en place d’un réseau de producteurs, selon certains producteurs, il semble que les producteurs pleine terre ressentent plus ce besoin que les producteurs hors-sols. Le premier groupe est plus large et croissant. Le deuxième groupe est plus réduit et visiblement déjà fort connecté. Leurs besoins ne semblent pas les mêmes sauf sur le point de la logistique. Le Ministre souhaite soutenir l’animation d’un réseau et une réflexion est en cours afin de créer un outil en adéquation avec les besoins des agriculteurs bruxellois.

‘Référentiel pour une agriculture urbaine durable‘

Pourquoi un référentiel de durabilité pour l’agriculture urbaine en RBC ?

Depuis plusieurs années, le secteur de l’AU se développe à travers des projets divers et variés, du maraichage en pleine terre à la culture sous serre sur toit en hydroponie, en passant par la production de champignons et de micro-pousses en cave.

La RBC souhaite avoir une vision plus claire de ce secteur et encourager les porteurs de projets vers plus de durabilité. Cette volonté était bien exprimée dans la stratégie Good Food : « En 2020, 100% des nouveaux projets de production agricole professionnels sont performants au niveau environnemental, économique et social ». C’est suite à cela que l’équipe du Facilitateur Agriculture  Urbaine a été mandaté pour élaborer un référentiel de durabilité.

Comment ?

Cet outil est issu d’un processus de cocréation entre les experts du Facilitateur Agriculture Urbaine (TeV, ERU, Green SURF, Groupe One) sur base d’outils de diagnostic de la durabilité de l’agriculture de référence :  le référentiel de durabilité CosyFood, IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles), FADEAR (diagnostic agriculture paysanne) et le diagnostic de durabilité du réseau CIVAM.

Le défi principal est d’adapter ces outils très performants au contexte Bruxellois de l’AU. Ce point fut plusieurs fois soulevé lors de la journée de travail.

Le 9 mars, une première ébauche de projet a été présenté aux participants pour les informer que le FAU travaille sur l’outil et qu’il aura besoin dans un futur proche d’un feedback des producteurs. Il y a un véritable souhait de co-construire l’outil avec les producteurs, et également de se baser sur les études et outils pré-existants.

Pour qui ?

Il est également important que cet outil puisse être utilisé pour l’analyse pour une grande diversité d’activités : maraîchage, tisaneries, petite élevage, (pré-)vergers, mais également différentes pratiques de production hors sol. De plus, il y a le souhait que cet outil puisse être utile pour des publics-cible différents. Voici la triple finalité qui a été suggérée par les participants :

  1. Outil d’auto-évaluation par le producteur dans l’objectif d’améliorer sa production agricole (économie /écologique/sociaux) ;
  2. Outil pour les administrations permettant d’objectiver le niveau de durabilité d’un projet d’AU
  3. Outil d’analyse et d’accompagnement pour le FAU.

 

Projets inspirants

Trésoferme : un outil pour gérer votre ferme

Trésoferme est un tout nouvel outil, 100 % gratuit, pour mieux piloter votre ferme, qu’elle soit urbaine ou rurale !

Cet outil de gestion financière simplifié vous permettra de mieux connaître vos prix et vos marges, mais également votre trésorerie et donc vous donnera plus d’autonomie.

Un projet co-développé par le CRAWGroupe OneDiversiFERM et le Réseau des Gasap avec le soutien de la Région Wallonne.

Le logiciel est terminé et la phase de consolidation nécessite des testeurs. Si vous êtes agriculteur à Bruxelles et désirez y avoir accès, contactez-nous par mail: fau[at]groupeone.be.

Matériel

Rencontre avec Julien Jacquet de PermaFungi

Après une crise en 2019, Permafungi, pionnier de l’économie circulaire réalise sa métamorphose! Depuis sa création en 2014, PermaFungi c’est :

  • 10 000 personnes sensibilisées à l’économie sociale et circulaire
  • 250 tonnes de marc de café recyclé
  • 35 tonnes de champignons bios et locaux
  • 8 tonnes de chicons en économie circulaire
  • 150 Lumifungi vendus
  • 40 000 km à vélo pour récolter le marc de café et livrer les champignons

 

Interview par Caroline Bini de Groupe One, Juin 2020

Fin 2019, c’était STOP ou ENCORE pour Permafungi. La perte des subsides d’insertion socio-professionnelle en est-elle la seule cause ?

En effet, nous avons vécu une grosse crise mi-2019. Mais la cause principale était plutôt une transition managériale qui n’a pas bien fonctionné, à un moment où notre projet était arrivé à un niveau de maturité demandant des changements opérationnels importants ainsi qu’une évolution en matière de gouvernance. On peut dire, en quelques sortes, que notre projet traverse son adolescence.

En ce qui concerne les subsides d’insertion socio-professionnelle, nous ne les avons pas ‘perdus’, cela a été un choix réalisé pour préserver les emplois créés. En effet, suite à la réforme de l’agrément en économie sociale, nous aurions dû modifier nos statuts mais surtout dans le futur, renouveler tous les 6 mois les travailleurs en insertion pour les remettre sur le marché. Nous avons fait ce choix même si compenser ces 40.000€ annuels représentait une perte de revenus de +-10% et allait nous demander de vendre 6 à 7 tonnes de champignons en plus par an.

Pour augmenter nos revenus, nous allons effectuer de nouveaux travaux d’aménagements cet été rendus possible grâce à la campagne de crowdfunding.

Avez-vous atteint votre objectif avec votre campagne de crowfunding?

Notre campagne de crowdfunding a dépassé largement nos objectifs ! Notre objectif était de 25.000€ et nous avons collecté 33.940€, c’est une somme énorme ! Ce succès est autant un soutien moral que financier. Nous remercions chaleureusement tous les participants. On a également remarqué, lors de visites de la champignonnière, un regard différent des visiteurs, ceux-ci posent des questions sur nos difficultés et nous sommes plus transparents sur nos challenges.

Avec une équipe diminuée, sera-t-il possible de relever le défi du changement d’échelle ?

Oui ! La polyvalence de l’équipe permet une bonne résilience. De plus, nous nous sommes recentrés sur la production de pleurotes, en arrêtant notamment la culture de chicons qui n’était pas rentable et demandait beaucoup de travail. Les travaux qui démarrent dans l’atelier de production vont largement augmenter la productivité, grâce à l’amélioration des conditions de fructification via un système d’aération performant. Nous souhaitons également augmenter encore la logistique inverse, qui est utilisée déjà pour 50% de la collecte du marc de café, et ainsi en réduire encore les coûts. Et nous comptons engager au minimum une personne dès septembre.

Afin de garder l’aspect local de notre production, notre changement d’échelle passera par la décentralisation, donc le développement de plusieurs champignonnières locales qui auront leurs propres fournisseurs et clients locaux. Mais nous souhaitons d’abord atteindre l’autofinancement du site de production bruxellois avant de le dupliquer, ce qui devrait être le cas d’ici la fin de l’année.

Comment vous différenciez-vous de ces concurrents moins chers ?

Notre force est de ne faire aucune concession sur l’environnement et le social, c’est notre atout économique ! A Bruxelles, Permafungi est le seul à réaliser la production bio, locale et circulaire de champignons, et nous sommes également la plus grande production de ce type en Belgique.

Nous recyclons 5 tonnes de déchets de café par mois et 99% de nos matières premières proviennent de Bruxelles (marc de café, paille). Seul le mycélium vient de Gand. Et ces externalités positives qui engendrent un coût réel ne se voient pas dans le produit final et sont donc plus difficile à valoriser. En particulier, nous devons faire face à une concurrence déloyale d’autres projets qui prétendent que leur projet entièrement linéaire est circulaire. Grâce à ce « circular washing », ils tentent de convaincre nos clients avec un prix plus bas.

Nous devons donc investir plus dans notre communication et notre marketing. Notre challenge est de mieux communiquer vers nos clients, les magasins et restaurants, afin qu’ils perçoivent ces plus-values en matière d’externalités positives et puissent les faire comprendre ensuite à leurs clients, les consommateurs.

Selon toi, quel(s) type(s) de soutien manque(nt) encore à Bruxelles pour les entreprises en agriculture urbaine ?

Je trouve que nous avons été bien encadrés, bien soutenus, et avons bénéficié d’une bonne visibilité. Aujourd’hui le gouvernement va dans le bon sens en matière de transition de l’économie. Hub est très présent. Pour moi c’est suffisant, c’est principalement à l’entrepreneur de trouver les solutions ! Et pour échanger avec d’autres entrepreneurs, nous sommes membres de 3 réseaux, Réseau Entreprendre, Cluster Circle Made et Ashoka.

S’il y a une chose prioritaire à changer, c’est l’administratif qui reste compliqué et chronophage.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui se lance dans l’entreprenariat ?

Je leur dirais 2 choses.

La première est de définir au plus vite la vision de leur projet et pourquoi ils le réalisent, dans le jargon on dit « définir son WHY » : qu’elle est la raison de leur engagment. La rentabilité économique ? L’impact social ou environnemental ? Connaître son why et garder le cap est indispensable !

Je leur dirais aussi de ne pas avoir peur de faire évoluer leur projet aussi souvent que possible, peu importe le domaine. En particulier, la question de la gouvernance a été un thème central chez PermaFungi ces dernières années.

Pour toi Julien, qu’est-ce qu’un entrepreneur ?

Je n’aime pas trop les termes qui cloisonnent. Mais je dirais qu’un entrepreneur est quelqu’un qui trouve une solution à un problème existant et parvient à la mettre en œuvre, sans forcément une question de valorisation.

Où trouver les produits de Permafungi

– www.permafungi.be/boutique + livraison à vélo

– Magasins bios: leurs pleurotes sont en vente presque dans tous les magasins bio de Bruxelles. La fraîcheur et la qualité sont assurées par une récolte quotidienne. Cliquez sur la carte pour découvrir tous leurs points de vente.

– Compost ou autre achat direct à Tour et Taxis: sacs de 5 à 6kg de champost pour 2€

– Dès septembre 2020, il sera possible de venir chercher les produits au nouveau magasin à Tour à Taxis.

Projets inspirants

Co-create SAULE : clôture et productions finales du projet

La recherche Innoviris Co-Create SAULE se clôture après 3,5 ans d’exploration et de travail en co-création autour de la question du devenir du site de la Ferme du Chant des Cailles.

Résultats : 3 scénarios de développements, avec du logement, de l’AU et des équipements pour le quartier.

Points de convergences : Préserver les terres; rénover et gérer le parc de logement social existant avant de l’agrandir; imaginer un projet à l’échelle du quartier (en incluant dans la réflexion les logements prévus sur le site Triton-Nymphes); valoriser l’apport pédagogique et de cohésion sociale de la FCC; s’inspirer de la trame de la cité-jardin Le Logis-Floréal pour développer les services nourriciers et répondre aux objectifs GoodFood.

Plus de détails sur les résultats, les productions et moments forts de la recherche (carnets, émission radio, conférences, photos) sur le web-doc du projet SAULE.

Etudes

Agropolis, d’un projet pilote à un réseau nourricier métropolitain

BoerenBruxselPaysans et Metrolab, deux projets soutenus par le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), ont organisé en 2020 un cycle de séminaires, nommé AGROPOLIS, né des cinq années d’expérimentations respectives et croisées des deux projets. L’objectif : mener une réflexion concrète sur le futur de l’agroécologie dans et pour la métropole bruxelloise.

De mars à septembre 2020, des rencontres avec des projets de référence et un travail d’analyse rétrospective ont permis de dégager les éléments d’une réflexion prospective. Ensuite, d’octobre à décembre 2020, cinq matinées de discussion ont réuni en ligne un peu plus de 200 personnes venues de l’administration, du gouvernement, de la recherche et du secteur alimentaire bien au-delà de Bruxelles.

Les séances ont successivement abordé l’agriculture comme projet de territoire, le futur du métier de paysan urbain, l’accès à la terre, les conditions de symbiose entre agriculture et biodiversité et finalement la gouvernance d’un réseau nourricier métropolitain. Elles ont été enrichies par l’animation d’experts scientifiques et la présence d’intervenants venus des métropoles de Genève, Rennes, Nantes, d’Ile de France et des Régions flamande et wallonne.

A l’issue de ce séminaire, un ouvrage a été rédigé et est maintenant disponible, tant en version papier que web.

Ce document, qui n’est pas à envisager comme un rapport d’expertise mais bien comme le résultat d’une dynamique collective d’anticipation, est destiné à toutes celles et ceux qui aménagent le territoire au quotidien, et notamment à l’action publique de la métropole bruxelloise. Il synthétise les échanges du cycle, dégage des pistes d’action concrètes et émet des recommandations pour le déploiement structurel de l’agroécologie à travers les territoires du bassin nourricier métropolitain.

Le livre est disponible en trois langues via le web (lien ci-dessous), et des versions papier (français-néerlandais) sont disponibles sur simple demande auprès de cfierens@environnement.brussels

Projets inspirants

Label Cantine Good Food : Première fourchette pour le SPF Affaires Étrangères

Après quelques semaines d’attente, la bonne nouvelle est arrivée : Michel Walgraef, responsable chez Compass Group, et son équipe obtiennent le label Cantine Good Food pour la cantine du SPF Affaires Etrangères. Avec une fourchette sur les trois que compte actuellement le label, leurs efforts pour devenir une cantine plus durable ont été récompensés. À Bruxelles, la restauration collective (entreprises, administrations, écoles et universités, crèches, hôpitaux…) sert chaque année plus de 73 millions de repas, et la liste des cantines labellisées Good Food ne cesse de s’allonger, avec 5 nouveaux entrants en 2023 sur un total de 60 établissements distingués.

Combien de repas sont servis chaque jour dans votre cantine ?

Nous distribuons chaque midi entre 150 et 250 repas chauds ou plats froids. Les mardis et jeudis sont les journées les plus chargées de la semaine pour nous.

Depuis quand êtes-vous labellisés Good Food ? Comment est née l’envie d’obtenir ce label et pourquoi ?

L'obtention du label faisait partie des attentes du SPF Affaires Étrangères et de notre contrat avec eux. Nous avons commencé à préparer notre candidature en septembre 2022, et nous l'avons soumise en septembre de cette année. Il y a quelques semaines, nous avons reçu la bonne nouvelle de l’obtention de notre première fourchette !

Est-ce que le label Good Food vous a aidé à penser vos pratiques différemment et proposer des menus plus responsables (plats végétariens, nouveaux produits cuisinés ou revalorisés, choix de fournisseurs locaux, lutte contre le gaspillage alimentaire…) ?

Cela nous a aidé à remettre en question notre manière de travailler et à voir où nous pourrions apporter des améliorations. Nous avions déjà un plat du jour et un plat végétarien au menu chaque jour, et depuis un certain temps, nous nous efforcions de réduire au maximum le gaspillage alimentaire, comme par exemple, en disposant de moins grandes quantités de nourriture sur le comptoir, en fin de service. Les légumes non-transformés peuvent alors être utilisés le lendemain pour le bar à salades, ou comme choix supplémentaire avec le plat du jour. Au sein de Compass Group, qui assure la restauration de la cantine du SPF Affaires Étrangères, nous disposons également d'un système appelé « Winnow » qui nous permet de mesurer et d´analyser nos déchets. Ils sont séparés : ceux issus de la préparation, ceux récupérés dans les assiettes des clients, et ceux issus de la gestion des stocks. Pour la préparation des menus (qui sont contrôlés par nos diététiciens), nous utilisons un système de planification de menus appelé « Youmeal », qui nous permet d'afficher immédiatement les allergènes, les calories et le Nutri-Score des repas.

Selon vous, pourquoi la restauration collective doit-elle réduire la quantité de viande servie ?

Cela est bénéfique pour notre empreinte écologique et pour la réduction des émissions de CO2. Au SPF Affaires Étrangères, nous avons réduit la quantité de viande proposée, en passant de 180 à 120 grammes.

Comment s’y prend-t-on pour convaincre les responsables des cantines et leurs équipes ? Y a-t-il une prise de conscience et une envie de faire bouger les lignes de leur côté, ou au contraire, une certaine résistance ? Comment avez-vous fait pour que la transition se fasse en douceur et fonctionne sur le long terme ?

Nous n’avons pas eu besoin de convaincre car l’équipe du SPF Affaires Étrangères nous soutenait dès le départ dans la démarche et les ajustements à mettre en place pour obtenir le label. En revanche, le consommateur avait lui besoin d'être un peu plus accompagné, c'est pourquoi nous avons réduit de manière progressive la quantité de viande : d’abord en passant de 180 à 150 grammes, puis de 150 à 120 grammes. À l’époque, cela a suscité une certaine crainte et réticence de la part de certains clients, mais grâce à l’inventivité de notre équipe, cela s’est vite estompé.

Que pense le personnel administratif du SPF Affaires Étrangères qui mange à la cantine d’une telle mesure ? Qu’en est-il du plaisir de manger ?

C’est vrai qu’au début, il y a eu des réticences surtout de la part des « mangeurs carnivores », mais avec le temps, de plus en plus de nos clients apprécient les repas végétariens, et cela est d’autant plus vrai une fois qu’ils ont découvert que ces plats sont tout à fait équilibrés.

Quelle(s) action(s) de communication avez-vous mis en place pour sensibiliser, expliquer, et convaincre tout le monde ?

La communication au label Good Food a été entièrement réalisée par le SPF Affaires Étrangères. Notre rôle a davantage été d’expliquer les différentes actions entreprises pour obtenir le label et leur lien direct avec une perspective de durabilité de la cantine.

À présent, souhaitez-vous obtenir une fourchette supplémentaire au label Good Food ? Qu’est-ce que cela impliquerait pour votre cantine et son engagement en faveur d’une alimentation plus durable ?

J'avais espoir d'obtenir deux fourchettes, mais je n'en ai obtenu qu'une seule pour le moment, ce qui ne fait que nous encourager à faire encore mieux pour obtenir dès que possible deux fourchettes ! Et pour notre cantine, cela signifierait encore plus de nourriture durable, saine et équilibrée.

Public Pro
Non
Public cible
Citoyens
Professionnels

Bruxelles, à l’avant-garde de l’agriculture urbaine

Récemment élue deuxième ville la plus dynamique en matière d’agriculture urbaine derrière Montréal, Bruxelles-Capitale compte aujourd’hui 38 fermes urbaines, plus d’une cinquantaine de projets de production, et près de 150 initiatives visant à nourrir les citadins avec des produits qui ont poussé à deux pas de chez eux. Un modèle de cité fertile qui gagne du terrain à l’heure de l’adaptation au changement climatique et des risques liés à l’insécurité alimentaire.

C’est une très belle reconnaissance pour Bruxelles : selon l’étude comparative réalisée récemment par le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB) canadien, la capitale belge occupe la deuxième place du podium des métropoles pionnières dans l’agriculture urbaine. Devancée de peu par Montréal, elle se démarque de villes comme Chicago, New York, Londres, ou encore Paris. En une dizaine d’années, l’agriculture urbaine s’y est nettement développée, avec aujourd’hui 38 fermes urbaines, 50 projets de production en cours et plus de 150 initiatives destinées à nourrir localement les habitants.

« La politique régionale de soutien [ou stratégie Good Food 1, ndlr], déployée depuis 2015, a porté ses fruits, se félicite Gaëtane Charlier, coordinatrice de la Fédération bruxelloise des professionnels de l’agriculture urbaine (FedeAU). Aujourd'hui, de nombreux projets ont pu se lancer, et l'intérêt citoyen ne cesse d'augmenter. » En plus d’actions collectives et citoyennes, le développement de l’agriculture urbaine à Bruxelles-Capitale et dans sa périphérie continue d’être au cœur de la stratégie Good Food 2 (2022-2030), avec notamment des formations en maraîchage urbain et un soutien financier au secteur, combiné à un accompagnement des porteurs de projets (fermes urbaines, jardins partagés…) via notamment le Facilitateur Agriculture Urbaine (FAU).

 

Jusqu’à 20 kg produits au mètre carré

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture urbaine peut avoir des rendements jusqu’à 15 fois supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle pratiquée dans les zones rurales. À l’année, un mètre carré de surface cultivée peut produire près de 20 kg de nourriture. Des chiffres impressionnants qui ont été corroborés par la communauté scientifique (200 études menées dans 147 villes de 53 pays, et qui ont été passées au crible par une équipe multidisciplinaire emmenée par des chercheurs de l’université de Lancaster). En 2022, la FedeAU évalue à « plus de 470 tonnes de nourriture de qualité » la quantité produite par les agriculteurs professionnels de Bruxelles et une « production de fruits et légumes qui a doublé en 4 ans », permettant ainsi de « nourrir 0,3 % des habitants ».

Hissée au rang de « premier maillon du système alimentaire durable à Bruxelles » par la FedeAU, l’agriculture urbaine rassemble un large panel d’activités agricoles pratiquées en milieu urbain et qui permettent de produire des aliments et d’autres biens directement au cœur des villes ou en périphérie. Dans le cadre de la stratégie Good Food, les principes d’agroécologie sont encouragés pour « repenser le rapport entre producteurs et citadins » et « concilier activité humaine et préservation des écosystèmes ». Que ce soit sous serre, en plein champ, sur un toit d’immeuble, dans un parking souterrain, ou même dans un container, les espaces de production possibles pour l’agriculture urbaine sont multiples et majoritairement dédiés à des pratiques bio et circulaires. Les méthodes utilisées y sont également variées et, dans le cas de cultures hors sol, bien souvent liées à une technologie de pointe : cultures verticales, lumière artificielle, hydroponie, aquaponie… Pour se faire une idée de la belle diversité de l’agriculture urbaine à Bruxelles, Good Food a d’ailleurs établi une carte interactive. Y sont recensés 46 hectares alloués à l’agriculture urbaine et qui permettent de produire entre autres des fruits et légumes, champignons, œufs, produits laitiers, miel, fleurs comestibles et aromates.

 

Une ville qui ne manque pas d’atouts

« Quand on se balade dans certains coins d’Anderlecht par exemple et que l’on voit des champs, des vaches, des marchés de légumes, on ne s’imagine pas qu’on est encore en ville ! », s’amuse Brigitte Grandjean, fondatrice de la tisanerie Citysane. À Bruxelles, l’agriculture urbaine semble avoir trouvé un terreau particulièrement fertile pour se développer : la stratégie Good Food 2 ambitionne d’ailleurs le lancement de 30 nouveaux projets de production et la mobilisation de 50 hectares de terres supplémentaires dédiés à l’agroécologie d’ici à 2030.

Il faut dire que l’agriculture urbaine ne se résume pas juste à produire, mais c’est aussi transformer, distribuer, commercialiser et recycler ce qui a été produit localement. Pour cela, des filières « Good Food » ont vu le jour, valorisant ainsi la vente en circuits courts et les commerces de proximité. 

Dictés en partie par les contraintes qu’imposent l’architecture des villes, les autres atouts de l’agriculture urbaine sont la récupération de l’eau, la revalorisation des déchets organiques, la préservation de la biodiversité, et l’atténuation des impacts des périodes caniculaires. Sans oublier les habitants qui, in fine, y gagnent en qualité de vie et en lien social, tout en se reconnectant à la nature et au vivant. Selon la FedeAU, d’ici à 2030, l’agriculture urbaine bénéficierait ainsi à 10 à 13 % des habitants de la capitale belge, tout en occupant à peine 0,6 % du territoire. Le peu d’espace nécessaire est d’ailleurs l’un de ses gros avantages. « Pas besoin de grandes surfaces, si rares en ville, se réjouit Brigitte Grandjean. Il suffit d’un petit terrain, donc c’est exactement ce qu’il faut pour mon activité de tisanerie. » Autant d’avantages qui laissent à penser que l’agriculture urbaine a de beaux jours devant elle à Bruxelles, comme dans d’autres grandes villes.

 

Photo © Xavier Claes

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En Belgique, le bio gardera-t-il la pêche en 2024 ?

Après une croissance quasi-ininterrompue depuis une dizaine d’années et un engouement bienvenu lors du premier confinement liés à la crise sanitaire, le secteur du bio a connu en 2021 et 2022 une perte de vitesse inédite. Avec un trop-plein de production, une envolée des prix de l’énergie, et une inflation galopante (plus de 17 % pour les produits alimentaires en mars dernier selon Statbel), certains consommateurs se sont détournés du bio. Pourtant, après un rebond amorcé au printemps 2023, le marché belge a repris des couleurs. Hausse durable ou stabilisation passagère, de quoi sera faite la nouvelle année ?

Produire bio c’est bien, vendre bio c’est encore mieux ! Selon le baromètre 2023 de Biowallonie, structure qui encadre et accompagne la filière bio de la région, « en 2022, la Wallonie a vu ses dépenses en produits alimentaires bio chuter pour la première fois depuis 2006, atteignant 416 millions d’euros, soit une diminution de 5,8 %. » Son homologue flamande, BioForum, fait quasiment le même constat : « pour la première fois depuis des années, la croissance de la production biologique en Flandre semble ralentir. La croissance de la superficie consacrée à l'agriculture biologique stagne et le nombre d'agriculteurs biologiques reste pratiquement inchangé. […] Il y a moins d'exploitations actives dans la chaîne biologique qu'en 2021. »

Pour l’Union nationale des agrobiologistes belges (UNAB), cet essoufflement est à mettre sur le compte de « causes structurelles », avec des filières à développer, de nouveaux débouchés à trouver, une mise en avant des pratiques agricoles du secteur et de leur impact positif sur la biodiversité, mais aussi travailler à faire davantage connaître le bio auprès des consommateurs et lui donner une image plus dans l’air du temps. Autant de défis à relever pour le bio et qui font partie intégrante de la stratégie Good Food 2 (2022-2030), dont l’objectif est à la fois d’agir sur les choix de consommation des habitants de Bruxelles et sur les pratiques des professionnels qui interviennent à chaque étape de la chaîne de production et d’approvisionnement.

 

Mieux comprendre les consommateurs et leurs habitudes

En moyenne, pour l’année 2022, un Bruxellois a dépensé 121 € en produits bio, contre 84 pour un Belge (chiffres du bio 2022 de Biowallonie). Un sondage réalisé dans le cadre de la stratégie Good Food 2 vient compléter ces résultats : ainsi, s’ils sont 30 % à déclarer consommer beaucoup d’aliments bio (32 % affirment en consommer peu ou pas), ils sont aussi 40 % à penser qu’acheter bio ne coûte pas toujours plus cher. Enfin, pour plus de la moitié des personnes interrogées, le bio est meilleur pour la santé, en plus de préserver les écosystèmes via notamment l’interdiction des pesticides.

Mais où les Belges achètent-ils bio ? Selon le baromètre de la consommation de produits bio rendu public en mars dernier, les grandes surfaces occupent la première place des endroits où se font la plupart des achats de produits bio, suivies par les marchés et les magasins bio. C’est ce que confirme BioForum qui note qu’en Flandre, « le supermarché conventionnel reste le principal circuit de distribution des produits biologiques, devant le circuit de vente spécialisé. Les magasins d'agriculture et les marchés de producteurs sont des canaux plus petits, mais ils ont la plus grande part de produits biologiques dans leur assortiment. »

De son côté, Biowallonie pointe une diminution des volumes et produits bio référencés en grandes et moyennes surfaces, ainsi qu’une « intensification de la concurrence des pays étrangers ». D’une manière générale, dans la plupart des filières, le prix d’achat aux producteurs bio reste en deçà du coût de production. À noter qu’aujourd’hui, la rentabilité des exploitations qui travaillent en bio est devenue quasi-similaire à celles qui font de l’agriculture conventionnelle. Selon Biowallonie, la relance du secteur passe « davantage par le circuit court que par le circuit long », avec à la clé de plus petits volumes.

 

Du bio à toutes les sauces

Qu’est-ce que le bio ? Pas facile pour les consommateurs de répondre à cette question tant le terme est devenu galvaudé. Des focus groups réalisés dans le cadre de la stratégie Good Food 2 vont en ce sens : les participants pointent une sorte de « fourre-tout commercial et marketing » ou greenwashing, avec des expressions comme « respectueux de l’environnement », « produit localement » ou « naturel » qui brouillent le message aux yeux du consommateur. Ils doutent de la fiabilité du label bio car en magasin, on trouve des fruits et légumes estampillés bio qui viennent de l’autre bout du monde et sont emballés dans du plastique, et selon eux, se fier aux produits vendus en vrac n’apporte pas plus de garantie d’acheter du « vrai bio ». Pour relancer et consolider la consommation bio en Belgique en 2024, il faudra donc s’atteler à trouver une définition claire du concept et de son application.

En parallèle, la profusion de labels et certifications qui s’affichent sur les produits bio déroute plus d’un consommateur et mériterait d’être précisée : il serait plus de 200 labels environnementaux dans l’Union européenne et pas moins de 450 à l’échelle mondiale. Une enquête, menée ce mois-ci par Testachats et le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), révèle que trois Belges sur quatre se disent mal ou pas du tout informés sur les critères et exigences que doivent respecter les entreprises pour pouvoir utiliser les labels verts ; et ils sont autant à appeler à un cadre réglementaire plus strict. Une demande entendue par la Commission européenne qui propose d’y répondre grâce à une proposition visant à mieux encadrer les écolabels et lutter contre les allégations environnementales trompeuse. Pour le marché du bio belge, les bonnes résolutions ne manquent pas pour faire de 2024 une année capitale et rassembler toujours plus de consommateurs.

 

Photo © Xavier Claes

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