La double transition de l’agriculture urbaine : regard croisé entre propriétaires et agriculteurs

Maarten Roels, Terre-en-vue, Janvier 2020

Loin d’être déjà une pratique courante, l’agriculture urbaine est une activité émergente à Bruxelles. Cette dynamique fait partie d’une transition socio-économique et écologique qui vise une meilleure utilisation des ressources dont notamment la terre nourricière, une production et une consommation locale, un respect pour l’homme et la nature, et une meilleure distribution des richesses. Ce processus de transition est impulsé par une convergence de volontés de changement de différents acteurs innovants tels que des institutions publiques, des citoyens / consommateurs, et des entrepreneurs. Nous aborderons ici le rôle des propriétaires des terres et des agriculteurs dans la transition vers une ville plus résiliente grâce à l’essor de l’agriculture (péri)-urbaine.

Les propriétaires de terres agricoles – quel rôle dans la transition ?

Jusqu’il y a peu, il n’existait pas de politique foncière et agricole pour les terres agricoles de Bruxelles. Le maintien de ces espaces était principalement inspiré par la volonté de garder des espaces ouverts non-bâtis offrant une qualité paysagère dans le tissu urbain, d’avoir des réserves foncières pour des projets de développement de logements, ou encore par l’espoir de voir transformer dans le PRAS, ou dans des PPAS, des zones agricoles en zones résidentielles générant ainsi une plus-value importante.

Jusqu’il y a peu, il n’existait pas de vision politique agricole et alimentaire à Bruxelles encourageant les propriétaires publics et privés à choisir un agriculteur durable plutôt qu’un autre. Il n’y avait donc peu d’éléments encourageant les propriétaires à orienter l’utilisation des terres agricoles dans un sens ou un autre. Il est à noter aussi que la demande croissante pour des produits locaux, frais et issus d’agriculture biologique est un phénomène relativement récent. Précédemment, l’absence d’une telle demande n’encourageait pas les propriétaires à chercher des agriculteurs qui pouvaient répondre à cette demande.

En outre, la Loi sur le Bail à Ferme de 1969 interdit au propriétaire terrien de limiter la liberté de culture choisie par son locataire (cf. Art 24). Donc même si un propriétaire préfère soutenir un agriculteur bio, l’agriculteur titulaire du contrat de bail à ferme garde la liberté de cultiver ce qu’il veut et comme il veut, et souvent cela veut dire comme il a fait depuis des décennies et comme il a appris de ses parents, ses conseillers, et ses professeurs d’agronomie. De plus, en tant que titulaire d’un bail à ferme, il ne peut que recevoir son congé pour faire place à un autre agriculteur selon un nombre de conditions strictes. Sans changement de vision et de volonté des agriculteurs, les propriétaires ont donc peu de marge de manœuvre sur des terres occupées.

Malgré ce contexte historique peu favorable au développement de l’agriculture durable, plusieurs propriétaires de terres cultivables ont désiré installer des projets agro-écologiques sur leurs terres. La Commune d’Anderlecht a mis à disposition des terres (constructibles) au projet « Graine de Paysans », un espace test agricole (ETA) qui a vu le jour grâce au soutien du projet « BoerenBruxselPaysans »  financé par des fonds européens FEDER, ainsi que près de deux hectares à la coopérative Radiskale dont un des initiateurs émerge de l’ETA, SMALA Farming et Hierba Buona. La Commune de Jette a décidé de suivre cette exemple et d’autres communes comme Ganshoren et Uccle s’y préparent. La SCRL Le Logis – Floréal, à Bois-Fort, a permis à la Ferme du Chants des Cailles de voir le jour.

L’ULB, avec le soutien du Facilitateur Agriculture Urbaine et Bruxelles Environnement, prépare une mise à disposition de terres à un projet agroécologique avec un axe social important.

Les agriculteurs de Bruxelles

Depuis les années 1970, les « Boerkozen » ont presque tous disparu de la scène bruxelloise et sa périphérie, alors qu’il en restait encore autour de 2000 il y a 50 ans. Actuellement, plusieurs maraîchers continuent dans la périphérie, mais souvent sans connexion avec Bruxelles. Alors que les « Boerkozen » produisaient essentiellement des légumes pour Bruxelles et sa périphérie, aujourd’hui le paysage agricole Bruxellois est dominé par l’élevage et les grandes cultures (céréales, maïs et pommes de terres), les productions sont vendues en dehors de la ville et partent via la grande distribution. Ce changement a été fortement influencé par la politique agricole commune (PAC) de l’Union Européenne qui visait à augmenter la position de concurrence de l’agriculture en Europe sur le marché mondial en augmentant l’échelle des fermes et en se focalisant sur les productions que nous venons de citer, alors que celles-ci ne sont pas du tout adaptées au marché local de la ville. Les écoles agricoles dirigeaient les agriculteurs dans le même sens et les banques finançaient les investissements nécessaires, sachant qu’ils soutenaient un secteur économique avec peu de risques car subventionné par l’Europe.

Les agriculteurs n’étaient pas non plus encouragés à changer de pratiques car la demande en produits locaux était beaucoup moins importante que celle de la grande distribution. De plus, les agriculteurs n’avaient pas forcément toutes les compétences en terme de communication, logistique etc. que nécessitent un travail en circuit court. Les quelques agriculteurs qui souhaitent changer de pratique étaient souvent cadenassés dans leur mode de produire et de commercialiser par des contrats et des emprunts bancaires.

Ouvertures vers une transition agricole à Bruxelles

Aujourd’hui, plusieurs éléments créent des ouvertures vers une transition agricole à Bruxelles. La déclaration gouvernementale Bruxelloise 2019-2024 est un premier élément d’envergure. Elle identifie l’agriculture comme un axe de l’innovation économique au service de la transition et engage le gouvernement Bruxellois à soutenir le développement de l’agroécologie, ainsi que d’avancer vers l’objectif de créer une autonomie de 30 % de la consommation en fruits et légumes pour 2035. A l’heure actuelle, le bail à ferme est en cours de révision dans le cadre de sa régionalisation. Ceci crée des possibilités d’adapter le cadre juridique à la réalité du terrain. En même temps, une révision du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) est en préparation. Si ces deux révisions légales aboutissent et entrent en convergence avec la déclaration politique, ceci permettra de donner une impulsion claire aux propriétaires, tout en enlevant une série d’obstacles cités ci-dessus.

L’actuelle croissance de la demande de produits locaux, bio et frais ne font qu’encourager les agriculteurs à réorienter leurs pratiques. Des projets « phare » ont vu le jour il y a plusieurs années et prouvent que leurs approches sont viables. La Ferme du Chant des Cailles et Cycle Farm ont vu le jour il y a quelques années, et plus récemment le projet « BoerenBruxselPaysans » a permis à des projets comme RadisKale, Smala Farming, Hierba Buona, Les Garçons Maraichers de s’implanter à Bruxelles. Une transition est possible quand le cadre politique, la demande des citoyens et l’audace des entrepreneurs s’alignent. Plusieurs associations et coopératives se sont dotées des compétences nécessaires en terme de recherche, d’accompagnement, de formation ainsi que de facilitation, permettant à ces différents acteurs de collaborer dans un mouvement de transition.

Mais nous avons vu que certains obstacles sont difficile à contourner. Il s’agit de ce qu’on appelle les lock in. Ce sont des verrous qui ne permettent pas de changer de pratiques. Des situations de (sur)endettement en sont un exemple classique dans le secteur agricole.

Comment les agriculteurs conventionnels engagés dans des emprunts pour le financement de leurs machines et infrastructures et protégés par des baux à fermes peuvent participer à la transition ? Comment trouver des terres cultivables ? Il semble que la transition ne pourra que se faire si une vraie collaboration en terme de transition et transmission se fait entre la nouvelle et « l’ancienne » génération d’agriculteurs. Un travail de collaboration est également à mettre en place ou à approfondir avec les propriétaires afin d’identifier des terres qui se libèrent ou se libéreront prochainement, pour trouver des terres « oubliées » dans les abords des bâtiments et zonings, des infrastructures comme des serres à réaffecter, des parcs à réaménager, etc. Et si cette collaboration entre agriculteurs et propriétaires s’inspire d’une volonté commune de rendre notre ville plus belle et vivante, la transition agroécologique promet de nous émerveiller dans les années qui viennent.

Projets inspirants

Catalyser l’agriculture urbaine : une journée de co-création par et pour les producteurs

Le lundi 9 mars 2020 se sont rassemblées 45 personnes, producteurs pleine terre et hors sol, acteurs de l’accompagnement et de la recherche, lors d’un évènement participatif à l’initiative du Facilitateur Agriculture Urbaine et du projet FEDER BoerenBruxselPaysans.
Des représentants de l’administration et du cabinet du Ministre Alain Maron étaient présents afin de comprendre au mieux les réalités des producteurs et travailler ensemble à chercher des pistes d’action pour le développement de l’agriculture urbaine en Région Bruxelles-Capitale.

Les 3 priorités qui ont été dégagées sont :
– Reconnaître la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine
– Faciliter l’accès à des formations techniques
– Créer et animer un réseau de producteurs

Les conclusions de ces travaux permettront d’alimenter la suite d’une stratégie Good Food adaptée aux besoins du secteur.

Retour sur la journée

Les ateliers facilités le 9 mars par les partenaires du Facilitateur Agriculture Urbaine et du projet FEDER BoerenBruxselPaysans, ont réuni 45 personnes, dont 10 producteurs et productrices pleine terre (Smala farming, Radiskale, 1082 nuances de saveurs, Houblons de Bruxelles, Hierba buena) et 6 producteurs hors sol (Urbileaf, ECNAM, BIGH, et Alaube).

Ci-dessous, nous reprenons quelques éléments des riches échanges qui permettront d’alimenter la suite d’une stratégie Good Food adaptée aux besoins du secteur.

Ateliers ‘Obstacles et solutions’ et ‘Multi-fonctionnalité’

Les échanges menés en groupes de travail ont remis notamment en évidence que l’agriculture urbaine est une activité économique atypique qui est intégré dans différents écosystèmes. D’une part, elle est intégrée dans le tissu social et démontre ainsi une grande porosité vers la société civile. Des citoyens participent en effet à la vie économique de la plupart des initiatives que cela soit en tant
que récolteurs, soutien ponctuel ou participant structurel aux activités de la ferme. D’autre part, elle fait partie de l’économie certes locale, mais néanmoins mondiale car elle offre des produits dont le prix est influencé par le marché mondial.

Ceci pousse les agriculteurs urbains à créer des modèles économiques innovants et se diversifier. La présence des citoyens est identifiée autant comme une ressource que comme un défi qui nécessite des compétences multiples.

Ceci oblige également les producteurs à se former. Le besoin de formations et d’échanges d’expertise et d’expériences semble un besoin pour la plupart des producteurs bruxellois. Plusieurs initiatives sont en route et des dynamiques existent à l’extérieur
de Bruxelles. Il est maintenant question d’avancer avec l’offre de formations et d’apprendre d’autres initiatives de partage de savoir-faire.

Toutefois, les charges que ce défi de formation s’ajoutent aux coûts de production, alors que les revenus sont limités par les prix trop bas des denrées alimentaires.

Les résultats de la première partie de la journée invitent également à court terme à réfléchir à des manières de réduire les coûts de
production-distribution 
par la mise en place de solutions logistiques, de mutualisation d’outils techniques et administratifs, à moyen terme d’une simplification administrative et une adaptation de la réglementation, et à long terme, d’ouvrir le débat sur la particularité de l’agriculture comme activité à la fois économique et citoyenne.

 

Un travail sur la reconnaissance et le soutien à la multi-fonctionnalité de l’AU a déjà été initié, suite au mémorandum initié par une série d’acteurs associatifs et de producteurs, et soutenu par le Début des Haricots.

En 2 mots, la multi-fonctionnalité de l’agriculture urbaine consiste à:

-Renforcer le capital social et humain

-Réduire l’impact sur l’environnement, et améliorer l’adaptation
au changement climatique

Les échanges du 9 mars soulignent l’importance de continuer/accélérer ce travail et d’être innovant sur la manière de financer ces fonctions complémentaires à la production et qui sont essentielles.

Par rapport à la mise en place d’un réseau de producteurs, selon certains producteurs, il semble que les producteurs pleine terre ressentent plus ce besoin que les producteurs hors-sols. Le premier groupe est plus large et croissant. Le deuxième groupe est plus réduit et visiblement déjà fort connecté. Leurs besoins ne semblent pas les mêmes sauf sur le point de la logistique. Le Ministre souhaite soutenir l’animation d’un réseau et une réflexion est en cours afin de créer un outil en adéquation avec les besoins des agriculteurs bruxellois.

‘Référentiel pour une agriculture urbaine durable‘

Pourquoi un référentiel de durabilité pour l’agriculture urbaine en RBC ?

Depuis plusieurs années, le secteur de l’AU se développe à travers des projets divers et variés, du maraichage en pleine terre à la culture sous serre sur toit en hydroponie, en passant par la production de champignons et de micro-pousses en cave.

La RBC souhaite avoir une vision plus claire de ce secteur et encourager les porteurs de projets vers plus de durabilité. Cette volonté était bien exprimée dans la stratégie Good Food : « En 2020, 100% des nouveaux projets de production agricole professionnels sont performants au niveau environnemental, économique et social ». C’est suite à cela que l’équipe du Facilitateur Agriculture  Urbaine a été mandaté pour élaborer un référentiel de durabilité.

Comment ?

Cet outil est issu d’un processus de cocréation entre les experts du Facilitateur Agriculture Urbaine (TeV, ERU, Green SURF, Groupe One) sur base d’outils de diagnostic de la durabilité de l’agriculture de référence :  le référentiel de durabilité CosyFood, IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles), FADEAR (diagnostic agriculture paysanne) et le diagnostic de durabilité du réseau CIVAM.

Le défi principal est d’adapter ces outils très performants au contexte Bruxellois de l’AU. Ce point fut plusieurs fois soulevé lors de la journée de travail.

Le 9 mars, une première ébauche de projet a été présenté aux participants pour les informer que le FAU travaille sur l’outil et qu’il aura besoin dans un futur proche d’un feedback des producteurs. Il y a un véritable souhait de co-construire l’outil avec les producteurs, et également de se baser sur les études et outils pré-existants.

Pour qui ?

Il est également important que cet outil puisse être utilisé pour l’analyse pour une grande diversité d’activités : maraîchage, tisaneries, petite élevage, (pré-)vergers, mais également différentes pratiques de production hors sol. De plus, il y a le souhait que cet outil puisse être utile pour des publics-cible différents. Voici la triple finalité qui a été suggérée par les participants :

  1. Outil d’auto-évaluation par le producteur dans l’objectif d’améliorer sa production agricole (économie /écologique/sociaux) ;
  2. Outil pour les administrations permettant d’objectiver le niveau de durabilité d’un projet d’AU
  3. Outil d’analyse et d’accompagnement pour le FAU.

 

Projets inspirants

Trésoferme : un outil pour gérer votre ferme

Trésoferme est un tout nouvel outil, 100 % gratuit, pour mieux piloter votre ferme, qu’elle soit urbaine ou rurale !

Cet outil de gestion financière simplifié vous permettra de mieux connaître vos prix et vos marges, mais également votre trésorerie et donc vous donnera plus d’autonomie.

Un projet co-développé par le CRAWGroupe OneDiversiFERM et le Réseau des Gasap avec le soutien de la Région Wallonne.

Le logiciel est terminé et la phase de consolidation nécessite des testeurs. Si vous êtes agriculteur à Bruxelles et désirez y avoir accès, contactez-nous par mail: fau[at]groupeone.be.

Matériel

Rencontre avec Julien Jacquet de PermaFungi

Après une crise en 2019, Permafungi, pionnier de l’économie circulaire réalise sa métamorphose! Depuis sa création en 2014, PermaFungi c’est :

  • 10 000 personnes sensibilisées à l’économie sociale et circulaire
  • 250 tonnes de marc de café recyclé
  • 35 tonnes de champignons bios et locaux
  • 8 tonnes de chicons en économie circulaire
  • 150 Lumifungi vendus
  • 40 000 km à vélo pour récolter le marc de café et livrer les champignons

 

Interview par Caroline Bini de Groupe One, Juin 2020

Fin 2019, c’était STOP ou ENCORE pour Permafungi. La perte des subsides d’insertion socio-professionnelle en est-elle la seule cause ?

En effet, nous avons vécu une grosse crise mi-2019. Mais la cause principale était plutôt une transition managériale qui n’a pas bien fonctionné, à un moment où notre projet était arrivé à un niveau de maturité demandant des changements opérationnels importants ainsi qu’une évolution en matière de gouvernance. On peut dire, en quelques sortes, que notre projet traverse son adolescence.

En ce qui concerne les subsides d’insertion socio-professionnelle, nous ne les avons pas ‘perdus’, cela a été un choix réalisé pour préserver les emplois créés. En effet, suite à la réforme de l’agrément en économie sociale, nous aurions dû modifier nos statuts mais surtout dans le futur, renouveler tous les 6 mois les travailleurs en insertion pour les remettre sur le marché. Nous avons fait ce choix même si compenser ces 40.000€ annuels représentait une perte de revenus de +-10% et allait nous demander de vendre 6 à 7 tonnes de champignons en plus par an.

Pour augmenter nos revenus, nous allons effectuer de nouveaux travaux d’aménagements cet été rendus possible grâce à la campagne de crowdfunding.

Avez-vous atteint votre objectif avec votre campagne de crowfunding?

Notre campagne de crowdfunding a dépassé largement nos objectifs ! Notre objectif était de 25.000€ et nous avons collecté 33.940€, c’est une somme énorme ! Ce succès est autant un soutien moral que financier. Nous remercions chaleureusement tous les participants. On a également remarqué, lors de visites de la champignonnière, un regard différent des visiteurs, ceux-ci posent des questions sur nos difficultés et nous sommes plus transparents sur nos challenges.

Avec une équipe diminuée, sera-t-il possible de relever le défi du changement d’échelle ?

Oui ! La polyvalence de l’équipe permet une bonne résilience. De plus, nous nous sommes recentrés sur la production de pleurotes, en arrêtant notamment la culture de chicons qui n’était pas rentable et demandait beaucoup de travail. Les travaux qui démarrent dans l’atelier de production vont largement augmenter la productivité, grâce à l’amélioration des conditions de fructification via un système d’aération performant. Nous souhaitons également augmenter encore la logistique inverse, qui est utilisée déjà pour 50% de la collecte du marc de café, et ainsi en réduire encore les coûts. Et nous comptons engager au minimum une personne dès septembre.

Afin de garder l’aspect local de notre production, notre changement d’échelle passera par la décentralisation, donc le développement de plusieurs champignonnières locales qui auront leurs propres fournisseurs et clients locaux. Mais nous souhaitons d’abord atteindre l’autofinancement du site de production bruxellois avant de le dupliquer, ce qui devrait être le cas d’ici la fin de l’année.

Comment vous différenciez-vous de ces concurrents moins chers ?

Notre force est de ne faire aucune concession sur l’environnement et le social, c’est notre atout économique ! A Bruxelles, Permafungi est le seul à réaliser la production bio, locale et circulaire de champignons, et nous sommes également la plus grande production de ce type en Belgique.

Nous recyclons 5 tonnes de déchets de café par mois et 99% de nos matières premières proviennent de Bruxelles (marc de café, paille). Seul le mycélium vient de Gand. Et ces externalités positives qui engendrent un coût réel ne se voient pas dans le produit final et sont donc plus difficile à valoriser. En particulier, nous devons faire face à une concurrence déloyale d’autres projets qui prétendent que leur projet entièrement linéaire est circulaire. Grâce à ce « circular washing », ils tentent de convaincre nos clients avec un prix plus bas.

Nous devons donc investir plus dans notre communication et notre marketing. Notre challenge est de mieux communiquer vers nos clients, les magasins et restaurants, afin qu’ils perçoivent ces plus-values en matière d’externalités positives et puissent les faire comprendre ensuite à leurs clients, les consommateurs.

Selon toi, quel(s) type(s) de soutien manque(nt) encore à Bruxelles pour les entreprises en agriculture urbaine ?

Je trouve que nous avons été bien encadrés, bien soutenus, et avons bénéficié d’une bonne visibilité. Aujourd’hui le gouvernement va dans le bon sens en matière de transition de l’économie. Hub est très présent. Pour moi c’est suffisant, c’est principalement à l’entrepreneur de trouver les solutions ! Et pour échanger avec d’autres entrepreneurs, nous sommes membres de 3 réseaux, Réseau Entreprendre, Cluster Circle Made et Ashoka.

S’il y a une chose prioritaire à changer, c’est l’administratif qui reste compliqué et chronophage.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui se lance dans l’entreprenariat ?

Je leur dirais 2 choses.

La première est de définir au plus vite la vision de leur projet et pourquoi ils le réalisent, dans le jargon on dit « définir son WHY » : qu’elle est la raison de leur engagment. La rentabilité économique ? L’impact social ou environnemental ? Connaître son why et garder le cap est indispensable !

Je leur dirais aussi de ne pas avoir peur de faire évoluer leur projet aussi souvent que possible, peu importe le domaine. En particulier, la question de la gouvernance a été un thème central chez PermaFungi ces dernières années.

Pour toi Julien, qu’est-ce qu’un entrepreneur ?

Je n’aime pas trop les termes qui cloisonnent. Mais je dirais qu’un entrepreneur est quelqu’un qui trouve une solution à un problème existant et parvient à la mettre en œuvre, sans forcément une question de valorisation.

Où trouver les produits de Permafungi

– www.permafungi.be/boutique + livraison à vélo

– Magasins bios: leurs pleurotes sont en vente presque dans tous les magasins bio de Bruxelles. La fraîcheur et la qualité sont assurées par une récolte quotidienne. Cliquez sur la carte pour découvrir tous leurs points de vente.

– Compost ou autre achat direct à Tour et Taxis: sacs de 5 à 6kg de champost pour 2€

– Dès septembre 2020, il sera possible de venir chercher les produits au nouveau magasin à Tour à Taxis.

Projets inspirants

Co-create SAULE : clôture et productions finales du projet

La recherche Innoviris Co-Create SAULE se clôture après 3,5 ans d’exploration et de travail en co-création autour de la question du devenir du site de la Ferme du Chant des Cailles.

Résultats : 3 scénarios de développements, avec du logement, de l’AU et des équipements pour le quartier.

Points de convergences : Préserver les terres; rénover et gérer le parc de logement social existant avant de l’agrandir; imaginer un projet à l’échelle du quartier (en incluant dans la réflexion les logements prévus sur le site Triton-Nymphes); valoriser l’apport pédagogique et de cohésion sociale de la FCC; s’inspirer de la trame de la cité-jardin Le Logis-Floréal pour développer les services nourriciers et répondre aux objectifs GoodFood.

Plus de détails sur les résultats, les productions et moments forts de la recherche (carnets, émission radio, conférences, photos) sur le web-doc du projet SAULE.

Etudes

Agropolis, d’un projet pilote à un réseau nourricier métropolitain

BoerenBruxselPaysans et Metrolab, deux projets soutenus par le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), ont organisé en 2020 un cycle de séminaires, nommé AGROPOLIS, né des cinq années d’expérimentations respectives et croisées des deux projets. L’objectif : mener une réflexion concrète sur le futur de l’agroécologie dans et pour la métropole bruxelloise.

De mars à septembre 2020, des rencontres avec des projets de référence et un travail d’analyse rétrospective ont permis de dégager les éléments d’une réflexion prospective. Ensuite, d’octobre à décembre 2020, cinq matinées de discussion ont réuni en ligne un peu plus de 200 personnes venues de l’administration, du gouvernement, de la recherche et du secteur alimentaire bien au-delà de Bruxelles.

Les séances ont successivement abordé l’agriculture comme projet de territoire, le futur du métier de paysan urbain, l’accès à la terre, les conditions de symbiose entre agriculture et biodiversité et finalement la gouvernance d’un réseau nourricier métropolitain. Elles ont été enrichies par l’animation d’experts scientifiques et la présence d’intervenants venus des métropoles de Genève, Rennes, Nantes, d’Ile de France et des Régions flamande et wallonne.

A l’issue de ce séminaire, un ouvrage a été rédigé et est maintenant disponible, tant en version papier que web.

Ce document, qui n’est pas à envisager comme un rapport d’expertise mais bien comme le résultat d’une dynamique collective d’anticipation, est destiné à toutes celles et ceux qui aménagent le territoire au quotidien, et notamment à l’action publique de la métropole bruxelloise. Il synthétise les échanges du cycle, dégage des pistes d’action concrètes et émet des recommandations pour le déploiement structurel de l’agroécologie à travers les territoires du bassin nourricier métropolitain.

Le livre est disponible en trois langues via le web (lien ci-dessous), et des versions papier (français-néerlandais) sont disponibles sur simple demande auprès de cfierens@environnement.brussels

Projets inspirants

Diversifier ses sources de revenus en collaborant avec l’agriculture rurale ?

L’expérience du projet Interreg GROOF en matière de coaching de projets professionnels d’agriculture urbaine révèle que, bien que ces projets se multiplient ces dernières années, la définition d’un modèle économique viable reste complexe pour certains projets, tant les activités d’éducation et de revente des productions propres au projet, se révèlent parfois peu rentables. Parmi les solutions existantes pour améliorer la viabilité économique de tels projets, la diversification des sources de revenus en s’appuyant sur l’agriculture péri-urbaine ou rurale est une bonne alternative.

Découvrez ci-dessous, quatre projets d’agriculture urbaine avec serres sur toit qui sont parvenus à innover et à multiplier les partenariats avec des agriculteurs péri-urbains ou ruraux pour consolider leur modèle économique. Une motivation collaborative bénéfique pour l’agriculture urbaine et plus largement, utile pour relever les défis de résilience des villes du futur.

  1. PAKT (Anvers ) : www.pakt-antwerpen.be

Le projet PAKT à Anvers a débuté en 2017 sur un toit de 2.000 m2. La volonté de sensibiliser les citoyens à l’alimentation durable et la volonté de mettre en place une ceinture alimentaire autour de la ville d’Anvers étaient, et sont encore aujourd’hui, centrale pour le projet. Pour ce faire, PAKT a décidé de miser sur deux activités : 1) la mise en location de 1.500 m2 d’espaces de culture sur les toits pour les citoyens, sous forme d’abonnements annuels (80 abonnés). 2) la collaboration avec des maraîchers professionnels péri-urbains, qui sont membres de la coopérative PAKT. Leurs produits sont distribués via trois méthodes : un e-shop pour les restaurants, la vente hebdomadaire sur un stand mis à disposition par PAKT en bas du bâtiment, et la distribution de paniers alimentaires pour les abonnés. Au fur et à mesure des années, le projet s’est développé et a multiplié ses partenariats pour aboutir à cinq partenaires effectifs. Les revenus générés par cette activité représentaient en 2019 près des deux tiers du chiffre d’affaire de PAKT.  

 

  1. La Ferme Ouverte de Saint-Denis (Paris) & l’Entrepote (Schaerbeek) :  La Ferme Ouverte – Saint-Denis | Les Fermes de Gally/www.lentrepote.be 

Ces projets, actuellement suivis par GROOF, ont créé des partenariats avec des agriculteurs péri-urbains en réponse à la crise Covid-19. Ces projets proposant de nombreux évènements, ils ont été directement impactés par la crise. Pour pallier cette perte importante de revenu, ils ont tous deux décidé de diversifier leur offre en proposant des points de collecte, paniers alimentaires, services de livraison, … avec des produits alimentaires dont la production est extérieure à leurs projets.  

Ce nouveau service a eu lieu lors du premier confinement pour l’Entrepote. Elle a permis de prendre en charge les différent frais/charges fixe pour cette période (mars 2020 – mai 2020). Malgré le succès de ce nouveau service, ils ont décidé de ne pas le réitérer cette stratégie lors du second confinement pour des raisons logistiques et financières. Cependant, ils ont en projet de proposer à l’avenir ce service en sous-traitant avec une entreprise spécialisée, en mettant à disposition leurs locaux.  

Pour la Ferme Ouverte de Saint-Denis, les produits complémentaires proposés dans un nouveau comptoir à la ferme (pommes, poires, …) ont rencontré un franc succès. La mise en place de cette nouvelle activité avait été facilitée par la place disponible sur la ferme, la possibilité de stockage en chambre froide et les liens existants de longue date avec d’autres fermes de la région. A l’avenir, ces services seront maintenus et diversifiés, en complément du maraichage et de la production hydroponique de la serre du toit de 360 m2 actuellement en construction.

  1. LUFA (Québec): www.montreal.lufa.com/fr 

Enfin, pour compléter notre analyse de cas, nous voulions vous présenter un projet pionnier qui est en cours depuis 10 ans déjà : les fermes LUFA. Cette organisationa créé la première serre commerciale sur toit au monde à Montréal en 2011 et exploitent actuellement 12.000 m2 dans trois serres urbaines. C’est pourtant pour des raisons de rentabilité économique que LUFA a commencé à distribuer, en complément de ses productions en toiture, des produits issus d’agriculteurs péri-urbains en pleine terre (fruits et légumes de saison), des bouchers, fromagers et boulangers locaux. La distribution se fait via leurs différents magasins, leur site internet et des points de collecte. L’évolution de ce business model et la spécialisation dans la logistique a permis à LUFA d’accroitre son chiffre d’affaires en quelques années.  Aujourd’hui pérennes, les fermes LUFA réalisent entre 75% à 85% de leur volume de vente via cette activité de distribution en circuits-courts.

Les partenariats urbain-rural, un vecteur de réussite des projets d’agriculture urbaine ?

Au-delà des bénéfices économiques découlant pour les entreprises de cette diversification du business modèle, nous voyons en ces partenariats urbain-rural des intérêts vitaux pour le territoire. Ces collaborations permettent de recréer du lien entre les communauté rurales et urbaines, des rencontres, des apprentissages. Des communautés, qui par moment, malgré des préoccupations similaires, s’efforcent de s’éviter tant les contextes peuvent êtres différents. 

Bien sûr, ce type de collaboration n’est pas la solution miracle à tous les problèmes, et, celle-ci ne peut pas s’appliquer systématiquement dans tous les contextes.

Mais cette démarche collaborative entre producteurs urbains et péri-urbains porte en son sein une dynamique gagnant-gagnant des échanges qui permettront une meilleure compréhension de l’autre, et une reconnexion ville-campagne, ingrédients indispensables pour assurer la viabilité des systèmes alimentant les villes.

Nous l’avons vu, certaines fermes urbaines agissent comme de véritables « hubs» de centralisation des produits issus du proche territoire.  Pourquoi ne pas favoriser leur multiplication au cœur de nos cités pour accélérer ainsi cette reconnexion ?

Est-ce que ce type d’achat revente est développé dans vos projets ? Est-ce que ce serait pertinent ? N’hésitez pas à nous en faire part facilitateurAU@goodfood.brussels !

Un article rédigé par Groupe One dans le cadre du projet GROOF.

Projets inspirants

L’agriculture urbaine en toiture : retours d’expériences et points d’attention

Un article écrit par Green Surf

Les premières traces d’agriculture urbaine (AU) sont apparues lors de l’apparition des premières villes. Les historiens situent cela vers -4000 à Uruk, en Mésopotamie. À cette époque, la civilisation sumérienne investit les villes et développe des activités agricoles intra-muros.

La révolution industrielle, l’exode rural, les guerres sont autant de facteurs qui ont influencé les formes d’agriculture en ville, s’adaptant toujours aux contextes dans lesquelles elle évoluait.

Aujourd’hui, l’AU est toujours présente et se développe partout, notamment dans des espaces inexploités comme les toitures. Depuis plusieurs années, l’agriculture urbaine en toiture se développe à Bruxelles. Cet article mettra quelques projets en avant et abordera les enjeux techniques et économiques inhérents à ce type de projet. 

Tivoli Greencity est un projet de construction de plus de 400 logements à Anderlecht. Il dénombre 10 toitures équipées de bacs potagers, et une serre de 150m² intégrée à l’architecture du bâtiment (Figure 1). L’ensemble de ces installations est à disposition des habitants des logements pour leur permettre d’avoir accès à des fruits et légumes de qualité, tout en étant un vecteur d’échange social entre voisins dans un cadre agréable et ludique.

La toiture du Delhaize de Boondael accueille depuis 2017 un potager de 360m² (Figure 2[1]). La société Vestaculture est chargée de l’exploitation du site. Un sol vivant a été créé ce qui permet aux exploitants de suivre des techniques culturales permacoles. Pari qui semble gagnant. En 2019, 1,6T de petits fruits et légumes a été produit et vendu directement dans le magasin situé en-dessous.

La ferme urbaine sur le toit du Foodmet (Figure 3) accueille deux entreprises. La première est la société BIGH. Elle produit des légumes, plantes aromatiques et poissons dans un système aquaponique sous des serres en toitures. Les produits peuvent être achetés dans des commerces bruxellois. Des visites et autres événements y sont organisés. La deuxième société présente sur la toiture est Groot Eiland. Elle y cultive des légumes et petits fruits en plein air, dans un sol reconstitué. Les produits sont vendus au travers de leurs propres réseaux de distribution.

Les amis de l’entrepote, une ASBL innovante de Schaerbeek, développe un potager en toiture (figure 4[2]). Cet outil leur permet d’organiser des stages pour les enfants du quartier. De nombreux projets sont également en germinations, notamment l’installation d’une serre en toiture. Dans ce cadre, ils sont accompagnés par les experts du projet européen GROOF – Greenhouses to Reduce CO2 on Roofs.

[1]Comme le montrent les modèles précités, les toitures bruxelloises accueillent de nombreuses typologies de projets. Le potentiel bruxellois est certain : 394 ha pourraient être affectés à la production agricole en toiture. Ces derniers voient le jour non sans embuches et contraintes, notamment techniques. Outre les différentes procédures classiques prises en compte dans un projet de construction, des critères liés au caractère innovant et à l’usage de la toiture sont à ajouter.

Dans le cas d’une construction existante, il convient de diagnostiquer la toiture et la structure du bâtiment afin d’évaluer la faisabilité du projet. Quelques points essentiels sont abordés ci-dessous.

L’étude de l’aspect général du bâtiment prendra en compte la structure, les fondations, le nombre d’étages et la situation par rapport aux bâtiments voisins.

L’importance de l’accessibilité est trop souvent minimisée, ce qui implique de nombreux problèmes opérationnels. Pour un seul étage, cet accès peut être limité à un escalier. Cependant, il doit être assez large pour livrer le matériel et assurer la sécurité des utilisateurs. Avec plusieurs étages, un escalier et un ascenseur seront nécessaires pour le confort des usagers, des visiteurs ou encore pour respecter les règlements incendie. De plus, la taille, le poids maximal et l’espace disponible à la sortie de cet ascenseur seront également à prévoir en fonction des activités du projet. Par exemple : les visiteurs ne doivent pas être bloqués par un entassement de palettes à la sortie de l’ascenseur.

Une étude détaillée du bâtiment sera également à réaliser afin déterminer les possibilités de transformation nécessaire à l’implantation du projet en toiture. L’étanchéité étant à la source de nombreux litiges dans le secteur de la construction, il convient d’identifier le type de technique d’isolation et d’étanchéité afin de déterminer la capacité de charge et s’assurer de la faisabilité des travaux. Le sous-sol doit être décrit avec précision, ainsi que le plan du toit. Ce dernier point donnera des informations sur la gestion de l’eau de pluie.

Les besoins en eau sont généralement significatifs, c’est pourquoi il est nécessaire de bien prévoir les arrivées d’eau et, si possible, un système de récupération d’eau de pluie. Pour cette dernière, deux configurations sont envisageables : (1) un stockage en terrasse ; (2) un stockage en bas du bâtiment (au sol, sous-sol, ou enterré). Le premier requière moins d’investissement, mais peut avoir une quantité de stockage plus faible que l’option 2. De plus, une vigilance particulière devra être apportée afin de ne pas endommager l’étanchéité.

Dans le cas d’une nouvelle construction, il sera moins complexe de prévoir des aspects techniques adaptés au projet en toiture prévu : toiture multi-usage, zone technique, zone accessible/inaccessible au public, surélévation éventuelle, etc.

L’aspect économique doit également être pensé en amont[3]. L’activité de production agricole permet rarement de couvrir les coûts, c’est pourquoi elle est généralement jumelée avec d’autres activités, comme par exemple des visites et des formations payantes. Dès lors, le modèle économique influencera les choix techniques précités.

Comme tout secteur innovant, certains projets échouent. Pour en apprendre sur les raisons de ces échecs, nous vous invitons à lire l’analyse de la faillite d’Urban Farmers à The Hague en Hollande.

L’agriculture urbaine peut valoriser les espaces oubliés de la ville, comme les toitures. Y développer un projet agricole ne se fait pas sans embuches, contraintes techniques et incertitudes économiques. Pourtant, le potentiel de plus-value sociale, environnementale et économique est considérable. C’est pourquoi le facilitateur en agriculture urbaine est présent pour vous conseiller et vous accompagner dans votre projet.

Pour aller plus loin :

  • Nos fiches d’informations en agriculture urbaine sur toiture :

    – Quel permis et quelle réglementation pour l’installation d’infrastructures sur toiture ?

    – Comment assurer l’accessibilité et la sécurité sur un projet d’Agriculture Urbaine en toiture ?

[1] @ vestaculture  

[2] @ http://lentrepote.be/ 

[3] Voir article FAU PAKT

Projets inspirants

Projet ARBRES : quels rôles pour le fruitier en ville ?

Le projet ARBRES vise à explorer les conditions socio-écologiques d’implantation de l’arbre fruitier comestible à Bruxelles, dans un contexte d’Anthropocène, et à comprendre comment celui-ci peut participer à la résilience du système alimentaire et à une série de services écosystémiques.

  • Dans un contexte d’Anthropocène, de pic pétrolier et de changements climatiques, quel peut être le rôle de l’arbre fruitier en ville ?
  • Quels fruitiers sont adaptés à ce contexte, ainsi qu’aux contraintes des différents milieux urbains ?
  • Comment planter le bon arbre au bon endroit ?
  • Quelle gestion et gouvernance pour des fruitiers urbains ?
  • Comment limiter les mésusages des fruitiers ?
  • Comment valoriser, transformer, distribuer les récoltes de manière solidaire ?
  • Comment améliorer la sécurité alimentaire ?

Pour répondre à ces questions, et à d’autres qui émergeront encore, le Centre d’écologie urbaineVelt Brussels vzw, Bruxelles Environnement et les administrations communales d’Uccle et de Forest lancent une recherche participative (Co-create 2021-2024).

S’inscrire comme co-chercheur/euse

Qu’est-ce qu’un verger partagé ?

Etudes

Hydroponie, aéroponie, bioponie et aquaponie, des techniques utiles en RBC et dans un contexte de réchauffement climatique ?

Article rédigé par Green SURF, septembre 2022

C’est quoi tout ça ? encore du High Tech ?

L’hydroponie est la culture de plantes réalisée sur un substrat neutre et inerte (de type laine de roche) irrigué d’un courant de solution qui apporte les sels minéraux et nutriments essentiels à la plante. Elle existe depuis des siècles mais est devenue un mode de production intensive depuis la 2e moitié du XXème siècle et est couramment utilisée. Aujourd’hui, 75% de nos salades belges sont produites en hydroponie.

La bioponie est une forme d’hydroponie biologique car elle utilise des engrais biologiques, provenant de ressources organiques plutôt que chimiques. Ces ressources organiques sont multiples, il peut s’agir de déjections animales, de compost, de résidus de l’industrie agro-alimentaires, etc. Ces résidus organiques contiennent donc les nutriments essentiels à la plante mais sous une forme complexe, organique, qui ne peuvent pas être absorbée directement par les plantes. Ce sont alors les microorganismes, les bactéries, les champignons, etc. qui vont dégrader cette matière et la minéraliser, pour en libérer les nutriments sous forme minérale qui pourront alors être absorbés par la plante. Ce phénomène de dégradation et de minéralisation des résidus organiques se produit naturellement dans l’environnement, dans les sols, ce qu’on va tenter de reproduire avec la bioponie. La bioponie est donc plus complexe que l’hydroponie conventionnelle parce que les microorganismes y ont une importance et il y a un tout un travail de digestion de la matière, qui demande de trouver un moyen efficace pour dégrader et minéraliser les résidus organiques. Des recherches ont lieu actuellement à Gembloux, au C-RAU (Centre de Recherches en Agricultures Urbaines de l’ULiège), afin de valoriser des déchets organiques (tels que les fientes de poules) comme source de fertilisants pour la bioponie. L’objectif du C-RAU est de :

  • créer des procédés de création de solutions nutritives à partir de diverses matières organiques. A ce jour, les solutions nutritives étudiées sont à base de déjections animales et il est prévu de passer au recyclage de divers effluents agricoles, comme les reliquats de stations de biométhanisation. Ensuite, ces procédés pourront être adaptés pour les pays du Nord et du Sud.
  • simplifier les systèmes de production hydroponiques afin de les rendre plus accessibles, de diminuer la dépendance à l’électricité et de recycler divers matériaux locaux.

En France, l’Institut de Recherche national Astredhor réalise des expérimentations sur l’hydroponie en fertilisation organique afin de viser le « zéro intrant de synthèse ». L’enjeu est de transformer l’azote organique en azote minéral assimilable par les plantes.

L’aéroponie, enfin, est un système dans lequel les racines ne s’ancrent pas sur un substrat, les racines sont maintenues dans le vide, à l’intérieur d’une chambre d’aspersion. La solution nutritive est pulvérisée sur les racines à intervalles réguliers. Constamment exposées à l’oxygène et à l’humidité, ces dernières atteignent leur potentiel d’absorption maximal. La technique aéroponique se prête mieux en intérieure car les racines étant à l’air libre, elles sont beaucoup plus sensibles à des changements de température, qu’il faut dès lors maintenir à température constante pour un meilleur rendement.

Ces techniques ont plusieurs avantages :

  • Systèmes de production en recyclage total (aucun rejet vers le milieu extérieur, très faible consommation en eau et en engrais, apports d’eau et d’engrais optimisés au plus près des besoins de la plante)
  • Réalisable en low-tech (matériaux recyclés pour la fabrication des systèmes et valorisation de déchets organiques comme fertilisants)
  • Apporte un élément de réponse aux limitations en ressources en eau douce et à la dégradation des sols
  • Bioponie : contribution à l’atténuation des changements climatiques via un affranchissement des engrais chimiques et des pollutions générés par ceux-ci
  • Renforcement des capacités de production locales permettant d’améliorer la résilience alimentaire des populations impactées par les changements climatiques
  • Produire et distribuer dans la même ville permet une traçabilité totale tout au long du cycle de production
  • En intérieur, contrôle des paramètres de la culture (climat, fertilisation, etc.) et donc conditions optimales pour le développement de la plante : cela permet ainsi d’augmenter les rendements
  • En intérieur, protection contre les bioagresseurs sans recours à des intrants de synthèse.

Et à Bruxelles du coup ?

Ces techniques ont donc de nombreux atouts à partager, toutefois cela nécessite une réflexion et conception du projet en symbiose avec le bâti : si la structure demande une portance spécifique, elle est beaucoup plus facile et économique à intégrer dans un projet de construction neuve plutôt que de rénovation. Un système de récupération d’eau de pluie et une citerne à grande capacité sont nécessaires pour éviter de puiser dans les nappes phréatiques ou l’eau de ville. Une synergie avec une activité annexe dégageant de la chaleur et du CO2 pouvant être réinjectée dans des serres a plus de sens que de devoir fournir 100% de chaleur (voir projet Interreg GROOF). Dans le cadre d’activité professionnelle et à vocation nourricière, les espaces doivent être pensés avec des professionnels de l’hydroponie et pas uniquement des architectes (évitons, par exemple, les marches entre un lieu de production et le monte-charge, pensons aux largeurs des allées pouvant accueillir des euro-palettes, privilégions le pratique à l’esthétique, etc.).

Ces techniques de production sont donc particulièrement intéressantes dans des contextes urbains tels que Bruxelles où les zones de pleine terre sont réduites, les sols parfois pollués, une densification croissante, une abondance de déchets organiques, une chaine alimentaire mondiale de plus en plus fragilisée, mais également dans un contexte de vagues de chaleur et sécheresse (l’hydroponie et ses dérivés consomment en effet 80 à 90% moins d’eau que les techniques pleine terre).

De telles initiatives existent déjà à Bruxelles, ainsi que d’autres techniques visant à réutiliser de déchets organiques biologiques, tels que Permafungi, récupérant le marc de café bio de restaurateurs comme substrat pour sa culture de champignon.

Et on n’oubliera pas la magie de l’aquaponie !

L’aquaponie est une technique qui couple l’hydroponie à un bassin piscicole, récupérant les déjections des poissons comme nutriments pour les plantes. Il s’agit à nouveau de produire des végétaux mais également des protéines animales dans une logique d’économie circulaire et d’utilisation raisonnée de l’eau. Les villes sont des lieux de production intéressants mais peu adaptés à de l’élevage et du bétail, l’aquaponie permet ainsi d’introduire en ville dans des zones diverses (caves et toitures notamment) une production de protéines animales.

Mieux que la pleine terre ?

Evidemment, il faut maintenir le plus de terres non artificialisées possible en ville, notamment pour prévenir les îlots de chaleur et infiltrer l’eau dans le sol. Lorsqu’un terrain pleine terre est disponible, il faut privilégier des techniques de production alimentaire pleine terre ou simplement des aménagements favorisant l’infiltration de l’eau et préservant la biodiversité.

Toutefois, ces zones sont de plus en plus rares et il reste important de pouvoir produire une partie de son alimentation en ville et à proximité. Il existe aujourd’hui de nombreux espaces inusités : friches, parkings, toitures par exemple. L’hydroponie et ses dérivés ont l’avantage d’être des techniques de production plus légères que la culture en bac/terre et donc plus propice à s’installer en hors sol car demandant une portance moins élevée (400kg/m² en moyenne). Pensons aux grandes toitures de hangars et zones logistiques ou zoning semi-industriels, aux toitures de supermarchés, qui ont parfois plusieurs milliers de m² vides alors qu’il pourrait y pousser l’alimentation du quartier. Ces surfaces permettraient d’installer une activité supplémentaire et nécessaire à nos villes qui se densifient et de créer des emplois non délocalisables.

Et ça se vend en Europe ?

Aujourd’hui, ces techniques sont répandues dans le monde. En Europe, ce sont les Pays-Bas qui l’utilisent le plus (sur environ 4600 hectares), suivis de l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique. En ce qui concerne l’espèce la plus cultivée en hydroponie, il s’agit de la tomate, suivie de la fraise, du concombre, du poivron et de la laitue (Gazeau, 2004). En Belgique, 75% des salades vendues en supermarché sont produites en hydroponie, mais malheureusement pas en bioponie (https://dailyscience.be/12/11/2018/a-gembloux-les-legumes-ont-les-pieds-dans-leau/).

Hydroponie va avec agro-écologie ?

Bruxelles s’est dotée d’une stratégie alimentaire qui vient d’être revue, Good Food 2.0, et qui pour atteindre un système alimentaire résilient suit la théorie et la pratique de l’agroécologie. Ce mouvement inclusif vise des pratiques créatives dans lesquelles une coopération optimale avec la nature est centrale. Le résultat est un modèle agricole innovant, dans lequel l’Homme et la Nature se renforcent mutuellement à partir de leurs liens étroits. Au sein d’un contexte urbain, l’agroécologie invite à repenser le rapport entre les producteur·rice·s, les citadin·e·s et leur contexte environnemental et social, et à concilier l’activité humaine et la préservation des écosystèmes naturels. Elle peut être définie par un certain nombre de principes qui guident un modèle économique écologique et résilient et mettent en avant les questions de souveraineté et de sécurité alimentaire, et d’autonomie des agricultrices et agriculteurs. Ceux-ci sont replacés au centre des systèmes alimentaires, non seulement comme fournisseurs, mais aussi comme décideurs de ces nouveaux systèmes alimentaires.

La bioponie permettra de placer l’hydroponie dans ce cadre agroécologique. En effet, un des enjeux est de pouvoir se détacher des engrais de synthèse pour se tourner vers des nutriments organiques, à base de déchets et matières organiques, justement abondantes en ville.

Enjeu climatique

Outre cet enjeu et l’importance d’une alimentation de proximité, il est important de se tourner vers une alimentation de saison. Des tomates cultivées en Belgique en hiver, sont certes locales, mais leur empreinte carbone reste élevée : pour les produire, les serres doivent être chauffées et illuminées par LEDs, deux éléments énergivores. Les ressources énergétiques nécessaires au chauffage et à l’éclairage des serres peuvent d’ailleurs représenter jusqu’à 40 % des coûts de production. En cette période de crise climatique et énergétique, impactant l’inflation actuelle, ces produits sont voués à renforcer la crise et à augmenter drastiquement leurs prix.

Finalement, en tant que consommateur, nous avons un grand rôle à jouer : acheter et manger mieux c’est renvoyer un signal, c’est augmenter la demande de produits en accord avec les principes agroécologiques et ainsi soutenir les agriculteurs dans leur transition.

Documentation