L’approvisionnement de Bruxelles en produits Good Food peut-il se faire via le canal ? Un producteur a fait le test en livrant ses fruits et légumes depuis le Pajottenland vers le centre de la capitale, par voie d’eau. Le projet expérimental « In the Belly of the City » fait émerger de nombreux enjeux.
Un défi logistique
Pour Tijs Boelens, maraîcher à la ferme De Groentelaar à Pepingen (Brabant flamand), la livraison des marchandises depuis l’extérieur de Bruxelles vers le centre-ville est un « super grand défi » logistique, financier et environnemental pour les petits producteurs.
Dans la lignée de son engagement Good Food pour une alimentation saine et respectueuse de l’environnement, ce producteur de fruits et légumes bio rêve de retrouver des solutions collectives aux enjeux de livraison. « Aujourd’hui, chacun doit se débrouiller seul, avec sa ferme, sa camionnette, ses produits. » De cette frustration, il a voulu faire quelque chose de joyeux. Il s’est donc demandé s’il y avait moyen d’acheminer les produits Good Food via le canal, depuis le Pajottenland vers la Capitale.
Tijs Boelens insiste sur le fait qu’à ce stade, il s’agit encore d’un projet utopique. Mais une collaboration avec Futurefarmers, qui regroupe des artistes, chercheurs, designers, architectes, scientifiques, etc. a donné forme à cette utopie. Le collectif a conçu un bateau à moteur en bois pour transporter les fruits et légumes sur le canal Bruxelles-Charleroi. Pour le maraîcher, il s’agit d’une œuvre d’art, d’un bateau-porte drapeau, qui met au jour la question de l’approvisionnement de Bruxelles et les besoins des petits producteurs Good Food.
Ce projet, « In the Belly of the City », initiée dans le cadre du projet S+T+ARTS (Science, Technologie et Arts) de la Commission européenne, en partenariat avec Innoviris, a été développé par la plateforme Gluon (Art, science et technologie).
« Aujourd’hui, chacun doit se débrouiller seul avec sa ferme, sa camionnette et ses produits ».
Mise à l’eau
En octobre dernier, le bateau a réalisé un premier trajet entre Halle et le centre de Bruxelles avec, à son bord, les produits issus de 12 fermes de la périphérie bruxelloise. Il a dû passer 5 écluses, avec des temps d’attente variable (entre 15 et 40 minutes par écluse environ). À l’arrivée (au K1 de l’Avenue du Port), des vélos cargo de l’Atelier Groot Eiland (remise à l’emploi et travail adapté) et de Recyclo (plateforme pour l’économie circulaire) ont pris le relais pour transporter les marchandises vers les restaurants, les cuisines collectives et les magasins bio de la ville.
Ce trajet sur l’eau a été environ quatre fois plus long que par la route. Le modèle n’est donc pas encore rentable mais d’autres tests et calculs seront effectués pour déterminer si la voie d’eau est une solution d’avenir pour l’acheminement des produits Good Food dans la capitale. Pour Tijs Boelens, il est indispensable de retrouver un mode de livraison, assumé par la collectivité. Par le passé, des lignes de tram permettaient aux producteurs de la périphérie de rejoindre facilement le centre de Bruxelles avec leurs marchandises. Mais ce modèle a disparu avec l'essor des véhicules individuels.
Ce besoin de solution commune se double, chez le producteur, d’une envie de convivialité, que le transport par camion permet difficilement. Le bateau a un rythme lent, son parcours au fil de l’eau et son arrivée au coeur de la ville permet de retisser du lien, indispensable à toutes les étapes de la chaîne Good Food. « Nous sommes en lien étroit avec les consommateurs, insiste Tijs Boelens. On ne peut pas perdre le lien social quand on met en place un nouveau projet logistique. » Par le passé, son grand-père épicier se rendait au centre-ville pour acheter ses fruits et légumes au marché des producteurs. « Je ne sais pas s’il prenait un café avec son fournisseur mais ils pouvaient discuter en tête à tête. »
« In the Belly of the City » fait office de plaidoyer pour un approvisionnement Good Food par voie d’eau à Bruxelles, en cohérence avec les besoins des petits producteurs locaux. Il met en avant la difficulté à concurrencer la route, en termes de temps de transport, et la nécessité de penser le bateau en fonction des spécificités du déchargement de caisses de fruits et légumes. Pourrait-on décharger plus en amont pour éviter le passage de certaines écluses et gagner du temps ? Le temps de trajet peut-il être mis à profit pour préparer les lots pour les différents clients? Ou pour recréer des contacts entre petits producteurs ? Autant de questionnements à intégrer dans les projets à venir.
Plus d’infos : https://inthebellyofthecity.futurefarmers.com/journal/about