20/12/2023

Récemment élue deuxième ville la plus dynamique en matière d’agriculture urbaine derrière Montréal, Bruxelles-Capitale compte aujourd’hui 38 fermes urbaines, plus d’une cinquantaine de projets de production, et près de 150 initiatives visant à nourrir les citadins avec des produits qui ont poussé à deux pas de chez eux. Un modèle de cité fertile qui gagne du terrain à l’heure de l’adaptation au changement climatique et des risques liés à l’insécurité alimentaire.

C’est une très belle reconnaissance pour Bruxelles : selon l’étude comparative réalisée récemment par le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB) canadien, la capitale belge occupe la deuxième place du podium des métropoles pionnières dans l’agriculture urbaine. Devancée de peu par Montréal, elle se démarque de villes comme Chicago, New York, Londres, ou encore Paris. En une dizaine d’années, l’agriculture urbaine s’y est nettement développée, avec aujourd’hui 38 fermes urbaines, 50 projets de production en cours et plus de 150 initiatives destinées à nourrir localement les habitants.

« La politique régionale de soutien [ou stratégie Good Food 1, ndlr], déployée depuis 2015, a porté ses fruits, se félicite Gaëtane Charlier, coordinatrice de la Fédération bruxelloise des professionnels de l’agriculture urbaine (FedeAU). Aujourd'hui, de nombreux projets ont pu se lancer, et l'intérêt citoyen ne cesse d'augmenter. » En plus d’actions collectives et citoyennes, le développement de l’agriculture urbaine à Bruxelles-Capitale et dans sa périphérie continue d’être au cœur de la stratégie Good Food 2 (2022-2030), avec notamment des formations en maraîchage urbain et un soutien financier au secteur, combiné à un accompagnement des porteurs de projets (fermes urbaines, jardins partagés…) via notamment le Facilitateur Agriculture Urbaine (FAU).

 

Jusqu’à 20 kg produits au mètre carré

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture urbaine peut avoir des rendements jusqu’à 15 fois supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle pratiquée dans les zones rurales. À l’année, un mètre carré de surface cultivée peut produire près de 20 kg de nourriture. Des chiffres impressionnants qui ont été corroborés par la communauté scientifique (200 études menées dans 147 villes de 53 pays, et qui ont été passées au crible par une équipe multidisciplinaire emmenée par des chercheurs de l’université de Lancaster). En 2022, la FedeAU évalue à « plus de 470 tonnes de nourriture de qualité » la quantité produite par les agriculteurs professionnels de Bruxelles et une « production de fruits et légumes qui a doublé en 4 ans », permettant ainsi de « nourrir 0,3 % des habitants ».

Hissée au rang de « premier maillon du système alimentaire durable à Bruxelles » par la FedeAU, l’agriculture urbaine rassemble un large panel d’activités agricoles pratiquées en milieu urbain et qui permettent de produire des aliments et d’autres biens directement au cœur des villes ou en périphérie. Dans le cadre de la stratégie Good Food, les principes d’agroécologie sont encouragés pour « repenser le rapport entre producteurs et citadins » et « concilier activité humaine et préservation des écosystèmes ». Que ce soit sous serre, en plein champ, sur un toit d’immeuble, dans un parking souterrain, ou même dans un container, les espaces de production possibles pour l’agriculture urbaine sont multiples et majoritairement dédiés à des pratiques bio et circulaires. Les méthodes utilisées y sont également variées et, dans le cas de cultures hors sol, bien souvent liées à une technologie de pointe : cultures verticales, lumière artificielle, hydroponie, aquaponie… Pour se faire une idée de la belle diversité de l’agriculture urbaine à Bruxelles, Good Food a d’ailleurs établi une carte interactive. Y sont recensés 46 hectares alloués à l’agriculture urbaine et qui permettent de produire entre autres des fruits et légumes, champignons, œufs, produits laitiers, miel, fleurs comestibles et aromates.

 

Une ville qui ne manque pas d’atouts

« Quand on se balade dans certains coins d’Anderlecht par exemple et que l’on voit des champs, des vaches, des marchés de légumes, on ne s’imagine pas qu’on est encore en ville ! », s’amuse Brigitte Grandjean, fondatrice de la tisanerie Citysane. À Bruxelles, l’agriculture urbaine semble avoir trouvé un terreau particulièrement fertile pour se développer : la stratégie Good Food 2 ambitionne d’ailleurs le lancement de 30 nouveaux projets de production et la mobilisation de 50 hectares de terres supplémentaires dédiés à l’agroécologie d’ici à 2030.

Il faut dire que l’agriculture urbaine ne se résume pas juste à produire, mais c’est aussi transformer, distribuer, commercialiser et recycler ce qui a été produit localement. Pour cela, des filières « Good Food » ont vu le jour, valorisant ainsi la vente en circuits courts et les commerces de proximité. 

Dictés en partie par les contraintes qu’imposent l’architecture des villes, les autres atouts de l’agriculture urbaine sont la récupération de l’eau, la revalorisation des déchets organiques, la préservation de la biodiversité, et l’atténuation des impacts des périodes caniculaires. Sans oublier les habitants qui, in fine, y gagnent en qualité de vie et en lien social, tout en se reconnectant à la nature et au vivant. Selon la FedeAU, d’ici à 2030, l’agriculture urbaine bénéficierait ainsi à 10 à 13 % des habitants de la capitale belge, tout en occupant à peine 0,6 % du territoire. Le peu d’espace nécessaire est d’ailleurs l’un de ses gros avantages. « Pas besoin de grandes surfaces, si rares en ville, se réjouit Brigitte Grandjean. Il suffit d’un petit terrain, donc c’est exactement ce qu’il faut pour mon activité de tisanerie. » Autant d’avantages qui laissent à penser que l’agriculture urbaine a de beaux jours devant elle à Bruxelles, comme dans d’autres grandes villes.

 

Photo © Xavier Claes

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