19/12/2023

Après une croissance quasi-ininterrompue depuis une dizaine d’années et un engouement bienvenu lors du premier confinement liés à la crise sanitaire, le secteur du bio a connu en 2021 et 2022 une perte de vitesse inédite. Avec un trop-plein de production, une envolée des prix de l’énergie, et une inflation galopante (plus de 17 % pour les produits alimentaires en mars dernier selon Statbel), certains consommateurs se sont détournés du bio. Pourtant, après un rebond amorcé au printemps 2023, le marché belge a repris des couleurs. Hausse durable ou stabilisation passagère, de quoi sera faite la nouvelle année ?

Produire bio c’est bien, vendre bio c’est encore mieux ! Selon le baromètre 2023 de Biowallonie, structure qui encadre et accompagne la filière bio de la région, « en 2022, la Wallonie a vu ses dépenses en produits alimentaires bio chuter pour la première fois depuis 2006, atteignant 416 millions d’euros, soit une diminution de 5,8 %. » Son homologue flamande, BioForum, fait quasiment le même constat : « pour la première fois depuis des années, la croissance de la production biologique en Flandre semble ralentir. La croissance de la superficie consacrée à l'agriculture biologique stagne et le nombre d'agriculteurs biologiques reste pratiquement inchangé. […] Il y a moins d'exploitations actives dans la chaîne biologique qu'en 2021. »

Pour l’Union nationale des agrobiologistes belges (UNAB), cet essoufflement est à mettre sur le compte de « causes structurelles », avec des filières à développer, de nouveaux débouchés à trouver, une mise en avant des pratiques agricoles du secteur et de leur impact positif sur la biodiversité, mais aussi travailler à faire davantage connaître le bio auprès des consommateurs et lui donner une image plus dans l’air du temps. Autant de défis à relever pour le bio et qui font partie intégrante de la stratégie Good Food 2 (2022-2030), dont l’objectif est à la fois d’agir sur les choix de consommation des habitants de Bruxelles et sur les pratiques des professionnels qui interviennent à chaque étape de la chaîne de production et d’approvisionnement.

 

Mieux comprendre les consommateurs et leurs habitudes

En moyenne, pour l’année 2022, un Bruxellois a dépensé 121 € en produits bio, contre 84 pour un Belge (chiffres du bio 2022 de Biowallonie). Un sondage réalisé dans le cadre de la stratégie Good Food 2 vient compléter ces résultats : ainsi, s’ils sont 30 % à déclarer consommer beaucoup d’aliments bio (32 % affirment en consommer peu ou pas), ils sont aussi 40 % à penser qu’acheter bio ne coûte pas toujours plus cher. Enfin, pour plus de la moitié des personnes interrogées, le bio est meilleur pour la santé, en plus de préserver les écosystèmes via notamment l’interdiction des pesticides.

Mais où les Belges achètent-ils bio ? Selon le baromètre de la consommation de produits bio rendu public en mars dernier, les grandes surfaces occupent la première place des endroits où se font la plupart des achats de produits bio, suivies par les marchés et les magasins bio. C’est ce que confirme BioForum qui note qu’en Flandre, « le supermarché conventionnel reste le principal circuit de distribution des produits biologiques, devant le circuit de vente spécialisé. Les magasins d'agriculture et les marchés de producteurs sont des canaux plus petits, mais ils ont la plus grande part de produits biologiques dans leur assortiment. »

De son côté, Biowallonie pointe une diminution des volumes et produits bio référencés en grandes et moyennes surfaces, ainsi qu’une « intensification de la concurrence des pays étrangers ». D’une manière générale, dans la plupart des filières, le prix d’achat aux producteurs bio reste en deçà du coût de production. À noter qu’aujourd’hui, la rentabilité des exploitations qui travaillent en bio est devenue quasi-similaire à celles qui font de l’agriculture conventionnelle. Selon Biowallonie, la relance du secteur passe « davantage par le circuit court que par le circuit long », avec à la clé de plus petits volumes.

 

Du bio à toutes les sauces

Qu’est-ce que le bio ? Pas facile pour les consommateurs de répondre à cette question tant le terme est devenu galvaudé. Des focus groups réalisés dans le cadre de la stratégie Good Food 2 vont en ce sens : les participants pointent une sorte de « fourre-tout commercial et marketing » ou greenwashing, avec des expressions comme « respectueux de l’environnement », « produit localement » ou « naturel » qui brouillent le message aux yeux du consommateur. Ils doutent de la fiabilité du label bio car en magasin, on trouve des fruits et légumes estampillés bio qui viennent de l’autre bout du monde et sont emballés dans du plastique, et selon eux, se fier aux produits vendus en vrac n’apporte pas plus de garantie d’acheter du « vrai bio ». Pour relancer et consolider la consommation bio en Belgique en 2024, il faudra donc s’atteler à trouver une définition claire du concept et de son application.

En parallèle, la profusion de labels et certifications qui s’affichent sur les produits bio déroute plus d’un consommateur et mériterait d’être précisée : il serait plus de 200 labels environnementaux dans l’Union européenne et pas moins de 450 à l’échelle mondiale. Une enquête, menée ce mois-ci par Testachats et le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), révèle que trois Belges sur quatre se disent mal ou pas du tout informés sur les critères et exigences que doivent respecter les entreprises pour pouvoir utiliser les labels verts ; et ils sont autant à appeler à un cadre réglementaire plus strict. Une demande entendue par la Commission européenne qui propose d’y répondre grâce à une proposition visant à mieux encadrer les écolabels et lutter contre les allégations environnementales trompeuse. Pour le marché du bio belge, les bonnes résolutions ne manquent pas pour faire de 2024 une année capitale et rassembler toujours plus de consommateurs.

 

Photo © Xavier Claes

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